Observateur & physique quantique
6 JANVIER 2019 (mis à jour le 15 février 2024)
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En physique quantique, la dualité ondes-particules se traduit par le fait que tous les objets physiques semblent avoir une double nature, à la fois d’ondes et de particules. Celle-ci n’est observable qu’au niveau quantique. La lumière par exemple peut être décrite en termes de longueur d’onde ou bien de particules, appelées photons.
En 1927, le physicien danois Niels Bohr a énoncé le principe de complémentarité quantique. Selon lui, les ondes et les particules représentent deux aspects d’une même réalité. Comme le Yin et le Yang. Son blason était d’ailleurs orné de ce symbole, accompagné du texte « les contraires sont complémentaires ».
Ce principe s’inscrit dans le courant de pensée de l’école de Copenhague. Celle-ci considère non seulement qu’au niveau atomique, parler d’objets indépendamment de toute mesure n’a pas de sens mais que l’effet de l’appareil de mesure sur son objet ne peut être négligé. Autrement dit, que l’observateur, à travers son appareil de mesure, a une influence sur le résultat de la mesure.
De l’importance, ou pas, de l’observateur
Qu’est-ce qu’une onde ?
Lorsqu’on pense à une onde, on a souvent tendance à visualiser une sinusoïde. Et, personnellement, depuis les cours de physique du lycée, c’est de cette manière que je me suis toujours représentée une onde. Mais penser à une onde de cette manière… revient à penser que la Terre est plate !
En effet, une sinusoïde est juste la représentation en 2 dimensions d’un vortex tridimensionnel (eh oui, nous vivons dans un monde en 3 dimensions !). Lancez une pierre dans l’eau, et vous pourrez observer à la surface un mouvement qui se forme, l’onde que nous avons l’habitude de nous représenter comme telle. Mais avez-vous déjà pensé qu’il se passe aussi des choses sous la surface de l’eau ? Lorsque la pierre coule, elle forme un vortex. Un vortex constitué par les particules d’eau – les molécules – qui s’auto-organisent. Ce vortex est à la source du mouvement ondulatoire se propageant à la surface.
Cette simple observation nous montre, à notre échelle, que l’onde et la particule sont complémentaires et indissociables.
Quel est le rapport avec l’échelle quantique me direz-vous ? Il apparaît lorsqu’on s’interroge sur ce qu’est une particule.
Qu’est-ce qu’une particule ?
Du vide, à 99,99999 %.
Mais qu’est-ce que le vide ? Cette question est abordée en détail dans l’article sur l’univers fractal et holographique. Disons simplement ici que le vide est plein d’énergie et qu’il existe une sorte de dialogue constant entre le vide – l’échelle quantique – et la matière.
Les électrons qui composent la matière – les molécules d’eau dans l’exemple précédent – informent le vide quantique de leur expérience à chaque « instant quantique ». Et notamment, ils informent le vide de leur localisation spatio-temporelle. A l’échelle quantique, ils sont influencés par l’expérience de tous les autres électrons qui eux-mêmes informent le vide. Ils repartent ensuite informer la matière, modifiés par l’information avec laquelle ils viennent d’être en contact.
Ce faisant, ils se matérialisent à de nouvelles coordonnées, suffisamment proches toutefois des précédentes pour qu’à notre échelle, cela crée une apparence de continuité. En l’occurrence un mouvement ondulatoire à la surface de l’eau [1].
Ondes et particules ne sont donc pas toujours ce qu’elles semblent être, et la manière dont elles sont observées dépend… de l’observateur !
Quid de l’observateur ?
Deux observateurs différents pourront observer les ondes de deux manières différentes : en 2 dimensions ou en 3 dimensions. Ils pourront également observer les particules de deux manières différentes : matière solide ou vide. Et un troisième observateur pourra voir une dualité entre l’onde et la particule, tandis qu’un autre y verra une complémentarité.
En ce sens, l’observateur est essentiel car son interprétation influence la manière dont on conçoit, en l’occurrence, la physique quantique. Interprétation qui est en lien direct avec la conscience de l’observateur au moment où il observe.
Sur la base de la théorie du champ unifié, la conscience est un feedback d’information entre notre monde intérieur et notre monde extérieur. Ce qui veut dire que l’observateur a bien une influence sur ce qu’il observe. Et qu’en retour cette observation influence l’état de conscience de l’observateur. Autrement dit, « nous créons la réalité et la réalité nous crée » [2], via le vide quantique.
L’observateur, de par sa conscience de lui-même et les interprétations qu’il émet suite à ses observations, a une influence sur l’avancement de la complexité et de la conscience dans l’univers. En retour, l’univers a une influence sur lui.
Cependant, l’influence de l’observateur est limitée car le monde matériel se crée, qu’on l’observe ou pas. Parce que sa création dépend non pas de l’observateur mais du feedback entre la matière et le vide quantique.
De l’importance, ou pas, de l’observation
Dans ce cadre de référence, la manière dont les « ondes / particules » existent et se manifestent n’est pas à proprement parler une question d’observateur. Il s’agit plutôt d’une question de relation entre l’observateur et l’observé.
Cette relation est mise en évidence par le philosophe Michel Bitbol. Il reprend l’interprétation de Copenhague, en considérant que les propriétés ondulatoires et corpusculaires ne sont pas intrinsèques aux micro-objets. Ainsi, selon lui, la dualité ondes-particules ne révèle rien sur la nature des choses. Elle nous enseigne simplement que les « ondes / particules » prennent des apparences différentes en fonction de la manière dont on les observe… ou pas.
Ce dernier point est capital, car si l’observation ou la non-observation n’ont pas, dans ce contexte, de conséquences à notre échelle, il en va différemment au niveau quantique. En effet, les objets classiques se comportent de manière régulière et prédictive, nous donnant par exemple le droit de penser que si l’on quitte une pièce, les objets qu’elle contient s’y trouveront toujours lorsqu’on reviendra. Tout se passe comme si les choses continuaient que nous les observions ou pas. Par contre, au niveau microscopique, on ne peut rien dire de tel. Lorsque nous n’observons pas, il y a un défaut de connaissance, et alors, comme dans l’exemple du chat de Schrödinger, les états de superposition prennent place. Dès lors que nous observons, la superposition s’effondre, laissant place à une seule réalité.
Mais est-on sûr de ce que l’on observe ?
La manière dont nous observons les choses soulève une autre problématique au niveau quantique : est-on sûr de ce que l’on observe vraiment ? Sont-ce des ondes ? Des particules ? Rien de tout cela ? Selon Michel Bitbol, nous ne pouvons pas avoir la preuve que nous observons des ondes à partir des modèles de diffraction et d’interférence, car ces modèles peuvent également être obtenus sans les ondes :
« Ce serait vrai que la diffraction et l’interférence prouvent l’existence d’ondes s’il n’y avait aucune explication alternative pour l’existence de diffractions et d’interférences que les ondes. Et ce n’est pas le cas (…) Il y a des physiciens qui ont trouvé des explications alternatives montrant comment vous pouvez avoir des modèles d’interférence ou des modèles de diffraction sans les ondes. »
MICHEL BITBOL [3]
Et ceci est également transposable aux particules. Par conséquent, au final, nous ne pouvons pas savoir ce qu’il y a vraiment dans l’infiniment petit. Tout ce que nous savons, c’est qu’il y a des phénomènes.
Et en physique quantique, ces phénomènes dépendent d’un contexte de mesure. Ainsi les ondes et les particules ne sont pas les propriétés intrinsèques de micro-objets. Cependant, elles sont à mettre en relation avec certains types de mesure. Certains appareils de mesure engendreront des effets similaires à des ondes, tandis que d’autres appareils engendreront des effets similaires à des particules. Le seul enseignement que l’on puisse tirer de tout cela est celui de l’apparition en dépendance du connaisseur et du connu.
Des particules sans existence intrinsèque
Michel Bitbol rappelle qu’en physique classique, nous pouvons toujours distinguer deux objets même s’ils sont identiques parce qu’ils ne peuvent pas se trouver au même endroit au même moment. Par contre, en physique quantique, les particules sont indistinguables, elles peuvent s’interpénétrer, s’imbriquer, ou occuper le même volume. Il émet alors l’hypothèse suivante : pour qu’une telle chose soit possible, peut-être que les particules n’existent pas en tant que telles.
Il cite Jean-Marc Lévy-Leblond et Bernard d’Espagnat, pour qui « les particules ont le mode d’existence d’un arc-en-ciel » [4], c’est-à-dire non pas le mode d’existence de quelque chose de solide, mais un mode d’existence relationnel. Un arc-en-ciel résulte d’une relation entre le soleil, les gouttes d’eau, et un observateur. De même les particules n’ont pas d’existence dans l’absolu, mais une existence qui relève d’une relation entre un appareil de mesure et un observateur.
Quid de la conscience ?
Certaines interprétations de la physique quantique avancent que le rôle de la conscience de l’observateur serait de déterminer l’état final des particules – et ainsi notre réalité – en provoquant ce que l’on appelle la réduction du paquet d’ondes. Il s’agit de l’effondrement de la fonction d’une probabilité, qui voit l’état d’un système physique entièrement réduit à celui qui a été mesuré. Ce que Schrödinger essayait d’expliquer avec l’expérience du chat, dont l’état est superposé jusqu’à ce que l’on ouvre la boite.
Observation et perception
David Bohm en son temps s’est beaucoup questionné sur la relation entre l’observateur et l’observé :
« C’est en 1959, grâce à la lecture de Première et Dernière Liberté, qu’eût lieu ma première rencontre avec l’œuvre de Krishnamurti. Ce qui éveilla mon intérêt fut surtout la vision incisive et profonde qu’il avait du problème de l’observateur et de l’observé. Cette question était depuis longtemps au cœur même de ma propre recherche en physique théorique, principalement axée sur les implications de la théorie quantique. Dans cette théorie, pour la première fois dans l’histoire de la physique, l’idée selon laquelle l’observateur et l’objet observé sont indissociables était avancée comme notion indispensable à la compréhension des lois fondamentales de la matière en général. »
DAVID BOHM [5]
Il établira avec Krishnamurti que dans la vraie perception, la distinction entre l’observateur et l’observé n’existe plus : « seule existe la perception, le sujet qui perçoit n’existe pas » [6]. En fait, tout se passe comme si la conscience dont il est question en physique quantique était assimilée à l’observation et non à la perception. La perception est confondue avec l’observation. Si observer c’est être conscient à un niveau plus ou moins proche du mental, percevoir implique un tout autre niveau de conscience. La perception est comme au-delà de l’observation.
Une question de définition
J’avais à l’origine choisi de présenter la physique quantique dans l’idée d’explorer le possible rôle de la conscience. Mais finalement, je me suis trouvée questionnée par la « définition » même de la conscience. Peut-être qu’en vulgarisant la physique quantique, on utilise le mot conscience un peu vite. Car de quelle conscience parle-t-on ?
Celle qui croit à la véracité de la mesure ? Celle qui, étant considérée comme distincte du monde physique, apporterait l’ingrédient « indéterministe » de la mesure ? Ou bien celle qui est piégée dans le mental ? Celle encore qui, étant piégée dans le mental, aura une influence de création et de perception limitée par rapport à une conscience ancrée dans la présence ? Ou bien celle qui, étant piégée dans le mental, oscillera simplement entre divers niveaux d’inconscience ?
Vers une conscience quantique
Il existe un louable questionnement autour de la conscience en physique quantique, le problème est qu’il n’existe pas vraiment de définition de la conscience. Tout l’intérêt et toute la pertinence de la théorie de Nassim Haramein est qu’elle propose et qu’elle se fonde sur une explication de ce qu’est la conscience. La dynamique de la conscience incarne à la fois le contenant et le contenu de sa théorie. Et elle s’applique aussi bien à la physique quantique qu’à la physique cosmologique [7].
L’univers fait une boucle de rétroaction sur lui-même pour s’observer, à toutes les échelles. L’observateur et l’observé ne font qu’un, que nous en ayons conscience ou pas. Nos observations ne sont pas les nôtres, parce que nous n’observons pas l’univers d’un point de vue extérieur. Nous sommes parties prenantes de son propre processus de prise de conscience.
Points clés
- Les ondes / particules ont un mode d’existence relationnel. Ce sont des vortex qui prennent tantôt l’apparence d’ondes, tantôt de particules, en fonction de la manière dont elles sont observées.
- Le monde matériel se crée qu’on l’observe ou pas, parce que sa création dépend non pas d’un observateur mais du feedback entre la matière et le vide quantique.
- Nous n’observons pas l’univers d’un point de vue extérieur. Nous sommes parties prenantes de son propre processus de prise de conscience.
Notes & références
[1] Voir également l’article Mouvement et perception.
[2] HARAMEIN Nassim. (2013, 25 septembre). Nassim Haramein Complete [Podcast], traduction libre
[3] BITBOL Michel. (2013, 18 janvier). Dissiper les propriétés intrinsèques et l’existence intrinsèque, In : Fleurs du dharma, Mind and Life XXVI – Esprit, cerveau et matière, p.7
[4] LEVY-LEBLOND Jean-Marc, D’ESPAGNAT Bernard, cités par BITBOL Michel, op.cit., p.8
[5] KRISHNAMURTI Jiddu et BOHM David, Les limites de la pensée, Paris : Le livre de poche, 2006, p.9
[6] Ibid., p.155
[7] Voir également l’article sur La conscience quantique.
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