Acte 2 : A cœur vaillant
rien d'impossible
20 NOVEMBRE 2018 (mis à jour le 25 juin 2023)
Table des matières
Cet article fait suite à l’acte 1 : remue méninges, dans lequel je raconte comment j’ai vécu et survécu à une hémorragie méningée. Il donne un deuxième niveau de lecture, où entrent en jeu le mental, le cœur et la présence.
La présence est un état. Un état singulier de conscience. Elle se vit au-delà des mots. Dès lors, ceux-ci peuvent seulement nous aider à cerner ce que la présence n’est pas, c’est-à-dire la non-présence, le mental. Qu’est-ce que le mental ? Une définition simple nous apprend qu’il s’agit de « l’ensemble des activités de l’esprit comprenant les pensées et les émotions » [1]. Voilà un point de départ intéressant, qui s’inscrit dans la vision d’Eckhart Tolle :
« Dans le sens selon lequel j’emploie le terme, le mental ne fait pas seulement référence à la pensée. Il comprend également vos émotions ainsi que tous les schèmes réactifs inconscients mettant en rapport pensées et émotions. Les émotions naissent au point de rencontre du corps et du mental. Une émotion est la réaction de votre corps à votre mental, ou encore le reflet de votre mental dans le corps. »
ECKHART TOLLE [2]
Pour comprendre comment Eckhart Tolle en est arrivé à écrire cela, il faut s’intéresser à son histoire. Il raconte, dans son livre Le Pouvoir du moment présent, avoir été en dépression et même suicidaire une très longue partie de sa vie. Avant de connaître, à 29 ans, une transformation intérieure telle qu’il a passé plusieurs années dans un état profond de paix, à l’écart de la société. Il est finalement revenu dans le monde, en tant qu’enseignant spirituel. Il décrit sa transformation comme le résultat d’une intense souffrance dépressive ayant occasionné une telle contrainte en lui qu’elle a fini par forcer sa conscience à se désengager de son mental.
Au cœur de l’identité : le mental
Eckhart Tolle dit également avoir été influencé par Jiddu Krishnamurti. L’enseignement principal de ce philosophe d’origine indienne repose sur une transformation de l’être humain, et plus précisément du « vieux cerveau conditionné de l’homme » [3]. Une transformation qui ne peut avoir lieu qu’en se libérant de tout conditionnement, qu’il soit religieux, politique, social, familial, culturel…
Cet homme fut d’ailleurs à l’initiative de l’ouverture de plusieurs écoles dont la vocation était de promouvoir une éducation alternative. Il avait à cœur qu’il en sorte des êtres humains plus libres, car capables d’explorer leurs propres pensées et comportements, et de s’en détacher.
Une dynamique inconsciente

Au premier abord, le mental peut apparaître comme un sujet confus et nébuleux. Probablement parce qu’il repose sur une dynamique d’autant plus complexe qu’elle est devenue, avec le temps, inconsciente. En s’inspirant notamment des enseignements d’Eckhart Tolle et de Krishnamurti, il est cependant possible d’amener plus de conscience au cœur de cette dynamique. Elle se déploie autour de quatre axes principaux : les émotions, le savoir, la pensée et le temps [4].
Leurs enseignements sur le mental ne sont pas, à proprement parler, nouveaux pour moi. Je ne les ai pas découverts après le mois de décembre 2013, je tente de les mettre en pratique depuis que j’ai entamé une démarche de développement personnel, c’est-à-dire depuis plus de 20 ans. Eckhart Tolle et Krishnamurti les énoncent simplement d’une manière différente, qui résonne particulièrement en moi, par rapport à ce que j’ai vécu.
Essentiellement, ils posent ce grand questionnement : « Qui suis-je ? ». Et, essentiellement, ils amènent à cette prise de conscience : « Probablement pas celle que je crois… ». En effet, de façon très basique, je pourrais décrire ma situation matrimoniale, professionnelle, et tout ce que j’estime être en mesure de me définir. Sauf que lorsque l’on commence à faire du développement personnel, la réponse ne peut plus être aussi basique…
D'une identité à l'autre

Ainsi, cette question a déjà trouvé plusieurs réponses tout au long de ma vie. En effet, je me considère plutôt comme un être en quête d’évolution, je cherche à élargir ma perception de moi-même et de la vie. Par exemple, il y a quelques années, alors que je me voyais comme une personne très loin d’être créative, j’ai découvert que c’était juste une idée limitée que j’entretenais sur moi. La réalité c’est que je peux tout à fait m’exprimer à travers l’art et en plus cela me procure beaucoup de joie.
Mais même si, de façon similaire, j’ai eu beau trouver par la suite de nouvelles définitions de moi-même – si l’on peut dire – cela a fini par devenir une nouvelle vision mentale de qui je suis. Une nouvelle identité à laquelle je me suis attachée. En fait, le processus même de « chercher à devenir autre chose » appartient à la dynamique du mental. Alors, même si je sais que je peux passer d’une définition à l’autre, « Je » reste fondamentalement identifié à lui-même. Autrement dit, « Je » peut revêtir plusieurs aspects. Mais a-t-il une existence propre, en dehors de ces aspects ?
Au-delà de l’identité
C’est ce que je crois. Précisément, ma croyance depuis des années, c’est que je ne me limite pas à telle ou telle vision de moi-même. J’ai appris au travers de divers livres, enseignements et stages que je suis plus que mon identité. J’ai oublié qui Je Suis en réalité, j’ai oublié que je fais Un avec Tout. Et je cherche depuis des années un moyen de m’en souvenir afin de toucher à nouveau cette unité.
Ma croyance, c’est que je ne suis fondamentalement pas mon mental, qui pense, analyse, évalue, se souvient et anticipe. Je ne suis pas simplement mes pensées, qui définissent et redéfinissent sans cesse mon identité, ou ce que je prends pour tel. Je ne suis pas que cet ego, qui s’est construit avec et autour de ces paramètres. Je suis, par essence, plus que cela.
Conscience et inconscience
Quand le mental absorbe la conscience
Mais que suis-je alors ? La conscience ai-je entendu et lu. Qu’est-ce que la conscience ? Quels sont les liens qui existent entre le mental et la conscience ? Considérerons tout d’abord ce qui se passe pour la très grande majorité d’entre nous : nous fonctionnons sur un mode de conscience très limité, parce qu’en réalité notre mental absorbe toute notre conscience.
C’est comme si la conscience était nivelée par le mental, comme si elle s’identifiait complètement à lui. Autant dire alors que nous vivons dans l’inconscience. Nous croyons être uniquement nos pensées, nos sens et nos émotions.
Lorsque la conscience commence à émerger, elle sort petit à petit de l’inconscience. En fait, il serait plus juste de dire qu’elle passe à un autre niveau d’inconscience, plus subtil. Mais, essentiellement, elle reste dans l’inconscience. Pourquoi ? Premièrement parce qu’elle est encore plus ou moins prise dans les filets du mental et de ses dérivés, à savoir le conditionnement, la causalité et le déterminisme. Ainsi, en cherchant à évoluer et à se détacher du mental, elle ne fait que se maintenir dans un processus mental de devenir. Deuxièmement parce que l’effet d’entraînement du mental est tel qu’il continue de drainer la conscience dans les processus et les dynamiques qu’il connait et maîtrise.

« Cause toujours » pourrait être la devise du mental, parce que c’est encore lui qui tient les rênes. Et parce que la dynamique de cause à effet qu’il induit reste, de fait, toujours présente. C’est certainement la raison pour laquelle après toutes ces années de travail personnel pour tenter de cerner le mental et aller au-delà de ses limites – au cœur de l’unité – tout cela reste un peu flou pour moi et, quelque part, lointain.
Quand la conscience cherche à se libérer
Si je n’arrive pas à faire réellement l’expérience de l’unité, c’est précisément parce que je crois quand même un peu, beaucoup, énormément – mais surtout inconsciemment – que je suis mon mental, et que je cherche à retrouver cette unité oubliée avec mon mental.
« Et quand je dis que vous oubliez, je veux dire que vous ne pouvez plus sentir cet état d’unité comme étant une réalité qui coule de source. Il se peut que vous la croyiez vraie, mais vous ne l’appréhendez plus comme telle. Une croyance peut certes vous réconforter. Par contre, seule l’expérience peut vous libérer. »
ECKHART TOLLE [5]
Comment vivre une telle expérience ? Décider de vivre un état d’unité suffit-il à en faire l’expérience ? Voilà un questionnement complexe. Parce qu’il met notamment en jeu la notion de choix. Cette notion est abordée en profondeur dans l’article Le libre arbitre existe-t-il ? Je poserais simplement ici l’idée que décider de vivre un état d’unité suppose que l’on ait au moins la croyance que cela existe. C’est ce qui en fait une condition nécessaire. Sans cette croyance, qu’est-ce qui peut nous motiver à vouloir vivre l’expérience ? Sans cette croyance, que fera le mental d’une expérience qui lui est totalement étrangère le jour où, éventuellement, elle se présentera ? Il pourrait simplement passer à côté, ou pire, la nier. On peut ainsi considérer cette croyance nécessaire à la création même des conditions de l’expérience.
Il semblerait néanmoins que cela ne soit pas une condition suffisante. Sinon il est probable que beaucoup de personnes, y compris moi avant mon AVC, auraient déjà vécu cette expérience. Ajoutons à cela le fait que cette croyance peut devenir une quête mentale – « je » cherche un moyen de vivre l’expérience – et la voilà qui tourne en boucle et se limite elle-même.
Quand l’expérience est la seule issue
Or l’expérience d’unité en question se situe précisément au-delà de la croyance, au-delà du processus de pensée. La pensée a usurpé la place de la vraie perception, qui n’a lieu que lorsque la pensée s’arrête. Mais quand bien même la pensée déciderait de mettre fin à son propre processus, cette décision relèverait encore du processus de la pensée. Alors qu’est-ce qui pourrait bien arrêter ce processus si la pensée elle-même ne peut y parvenir ? Peut-on jamais sortir du mouvement du mental ?

« La lame du couteau ne peut se couper elle-même » disent les bouddhistes. Par analogie, chercher à sortir du mental en utilisant le mental est non seulement impossible, mais s’avère être une entreprise aussi absurde que contre-productive car en fin de compte cela ne fait que le renforcer. Le mental se voit comme une entité séparée de tout et il se nourrit de cette séparation, quelle qu’elle soit. C’est pourquoi vouloir le séparer de lui-même en l’utilisant vainement lui donne davantage d’importance. Deuxièmement, faire réellement l’expérience de l’unité n’est pas du tout dans l’intérêt du mental. S’il y a unité, il n’y a plus de séparation et donc plus de place pour lui. Et c’est là un trop gros risque pour l’identité qu’il défend coûte que coûte.
S’il n’est pas possible de sortir de ce processus à force de volonté, si la nature même de ce processus l’empêche de sortir de lui-même, existe-t-il alors des conditions dans lesquelles il puisse simplement se suspendre ? Autrement dit la présence peut-elle simplement survenir ? Eckhart Tolle nous dit que le danger ou la beauté peuvent mettre le mental en suspens.
Etat modifié de conscience
De l’inconscience du danger
Lorsqu’ainsi le mental se fige, que reste-t-il alors ? La conscience ? Le mental serait-il juste un petit aspect de la conscience ? Le cerveau serait-il capable d’une autre activité, une activité indépendante de tout processus mental, mais qui pourrait néanmoins agir sur lui ?
Il semblerait que considérer l’ensemble de ce questionnement fut le défi que je me suis lancé en ce soir de décembre 2013.
« Si vous vous êtes déjà trouvé dans une situation de vie ou de mort, vous savez que celle-ci n’était pas un problème. En fait, le mental n’a pas eu le temps de tergiverser et d’en faire un problème. En cas de véritable urgence, le mental se fige et vous devenez totalement disponible au moment présent. Alors, quelque chose d’infiniment plus puissant prend la relève. »
ECKHART TOLLE [6]
Alors, que s’est-il joué entre mon mental et ma conscience ce soir-là ? Reprenons le cours des événements.
20h – La fissure d’un anévrisme vient de provoquer un saignement dans l’hémisphère droit de ma tête, au niveau des méninges. Je ressens un violent et soudain mal de tête qui m’avertit que quelque chose d’inhabituel est en train de se produire. L’intensité de la douleur focalise complètement ma pensée sur cet état de fait.
Bien que mon corps ne m’envoie aucun autre signal inquiétant, je préfère m’asseoir sur le petit trottoir juste à côté pour attendre James : si je dois m’évanouir, je tomberais de moins haut. Il me vient à l’idée que j’ai peut-être la première migraine de ma vie, mais comment savoir puisque, justement, je n’en ai jamais eue ?
Une base de données limitée
Mon mental, ne pouvant se satisfaire de l’approximation de cette éventualité, cherche une autre hypothèse. Il faut dire que dans certaines situations inattendues, comme celle qui m’occupe cette nuit-là, il peut s’avérer aussi utile qu’il l’est parfois au quotidien. C’est ainsi grâce à lui que j’évalue rapidement mes autres symptômes : à ce stade, aucun. Je n’ai pas de paracétamol sur moi et quand bien même ce serait le cas, j’ai du mal à me convaincre qu’un tel médicament pourrait stopper cette douleur aiguë et saisissante.
Pour autant, la possibilité d’être en train de faire un AVC ne me traverse absolument pas l’esprit. Mon mental est sans doute tout simplement incapable de suspecter ce diagnostic parce que dans la base de données qui est la sienne à ce moment-là, AVC est synonyme de : paralysie, engourdissement, trouble de l’équilibre ou de la vision et difficulté à s’exprimer ; or, je n’ai aucun de ces symptômes, j’ai les idées claires, je me sens capable de comprendre ce qu’on me dit et de m’exprimer comme je le fais habituellement.
L'impuissance du mental
Ce que je ne sais pas encore c’est que l’hémorragie méningée est une forme d’AVC dont la caractéristique principale est un mal de tête brutal, extrêmement intense et durable, soit précisément le symptôme qui se manifeste en moi à ce moment-là. Ce seul symptôme peut néanmoins aboutir à des déficits neurologiques (troubles de la parole, de la vision et de l’ouïe) en fonction de la localisation de l’anévrisme, ainsi que de la durée, de l’intensité et de la projection du saignement. En fait, lorsqu’une hémorragie se produit dans ou autour du cerveau, le cerveau tout entier est en danger à cause de la pression croissante dans le crâne.

N’en sachant rien, mon mental continue donc son travail habituel, il cherche, analyse, compare… La vérité, c’est qu’il ne peut mettre en relation cette sensation étrange avec aucune autre. Il a beau chercher dans sa base de données, rien ne correspond, aucun état connu qui s’approche de celui-ci, aucune expérience équivalente à mettre en balance pour savoir quoi faire… En fin de compte, tout ce qu’il arrive bien malgré lui à trouver, ce sont ses limites.
Une peur étrange
La peur commence alors à me gagner. Etrangement, je ressens aussi un certain détachement par rapport à cette peur. J’en ai pour ainsi dire une conscience inhabituelle. C’est comme si je pouvais observer ma peur, comme si je reconnaissais que la peur était là mais qu’elle pourrait tout aussi bien ne pas y être. Comme si je n’étais pas sûre de comprendre la raison de sa présence en moi. Comme si, dépassée par cette situation, j’entrais dans cette peur parce que je n’avais rien trouvé d’autre à faire ; parce que c’est la réaction habituelle et rationnelle qui se manifeste dans ces cas-là ; et parce qu’à ce moment précis justement, je suis toute seule, assise sur un trottoir, et que je peux potentiellement perdre conscience.
Le fait est que non seulement je ne vais pas sombrer dans l’inconscience, mais que la conscience que j’ai de moi-même va en quelque sorte s’élargir. L’état d’urgence dans lequel je me trouve est sur le point de me faire basculer dans un « temps » qui ne m’est pas familier : l’ici et maintenant, la présence.
La puissance du cœur
Précisément, ma conscience bascule de ma tête à mon cœur. Je deviens alors incapable de me focaliser sur le mal de tête qui m’assaille tellement la puissante sensation qui émane de mon cœur magnétise ma conscience. Je perçois toujours ma douleur, mais elle est comme en arrière-plan, devenue presque secondaire.
Alors, quelque chose qui n’est pas de l’ordre de la pensée, quelque chose de plus grand prend place en moi, comme une puissance d’une sérénité absolue qui émane de mon cœur [7] et qui, si on la traduisait en mots, m’affirmerait : « Quoi qu’il arrive, ça va aller ». Cela s’impose sans s’imposer.
C’est une énergie très différente de ce dont j’ai l’habitude, qui ne cherche pas à avoir raison, qui est là en toute simplicité. Mon mental n’a pas de prise sur cette présence parce qu’il n’est plus là : elle l’a purement et simplement éclipsé. En un éclair, mon flux de pensée et mes émotions sont suspendus.
La présence
« Ce qui se passe en réalité quand vous devenez conscient de l’Être, c’est que celui-ci devient conscient de lui-même. C’est cela la présence. »
ECKHART TOLLE [8]
A l’instant où la présence se manifeste, elle contrebalance simultanément mon sentiment de peur et fige mon mental. A ce moment-là, je suis ma conscience désynchronisée de mes émotions et de mes pensées. Comme si ma conscience n’était plus focalisée sur mon mental. Je suis donc là, plus que jamais, consciente, présente, mais je ne suis pas mon mental, j’existe en dehors de lui, en unité avec Tout. Je me vis comme une version plus vaste de moi-même. Cet état de grâce dure un instant, une éternité.

Une situation inédite
Un choc pour le cerveau
A cet instant, je ne sais plus rien. Ma conscience n’est plus identifiée à mon mental, le temps n’a plus de valeur ni même de sens, mon cœur est ouvert, la « vision pénétrante », ainsi que la nomme Krishnamurti, se manifeste :
« (…) Dès lors que l’on perçoit une chose de manière entière et absolue, cette perception totale est différente de la perception fragmentaire qui caractérisait jusque-là le fonctionnement du cerveau. Lorsqu’il y a perception totale et action totale, cela affecte immanquablement les cellules du cerveau. (…) C’est un choc pour le cerveau, qui est confronté à une situation tout à fait inédite. »
A vrai dire, cette « expérience dans l’expérience » a simultanément produit plusieurs choses inédites pour mon cerveau :
- J’avais un mal de tête épouvantable, qui assiégeait littéralement l’espace physique dans lequel mon mental fonctionne ; il se jouait une sorte de course contre la montre entre mon mental qui cherchait à comprendre la situation afin de savoir quoi faire, et la menace permanente – si je perdais conscience – qu’il n’ait plus aucun support physique afin de pouvoir se consacrer à cette tâche.
- Se sentant ainsi menacé, il cherchait aveuglement à défendre sa survie, à prouver qu’il était utile. Le mental croit qu’il a la solution à n’importe quel problème. Alors qu’il ne fait que fabriquer des problèmes, qui finissent par s’emboiter les uns dans les autres comme le ferait un processus fractal. Il cherche ensuite à les résoudre, mais ne parvient en définitive qu’à en fabriquer de nouveaux. Ainsi, à ce moment-là dans mon expérience, il décuplait son activité, dont l’intensification montait crescendo : plus il cherchait à comprendre, plus il touchait son impuissance, et plus il voulait reprendre le contrôle.
Un étrange paradoxe
- Un étrange paradoxe s’est alors manifesté : ma biologie était concrètement en danger de mort mais mon mental, dans sa frénésie d’activité, a pris toute la place et n’a pas permis à la conscience qui n’était pas complètement identifiée à ce processus – merci au travail de développement personnel ! – d’accéder à l’information que mon corps ne cessait pourtant de lui envoyer ; il s’est ainsi lui-même mis en danger.
- Finalement, à l’image de la pression physique qu’a exercé le sang pour rompre l’anévrisme et se déverser dans mes méninges, mon activité mentale s’est retrouvée sous pression et a elle-même fini par céder. A l’image de la brèche qui s’est créée dans l’une de mes artères, une brèche s’est créée dans mon processus mental. Au moment où ma conscience s’est désolidarisée de lui pour émaner entièrement de mon cœur, elle lui a fait percevoir la vanité de ses tentatives de préhension et de compréhension de la situation. Même avoir peur n’avait aucun sens, comme si ce n’était en réalité qu’une illusion.
Fin du mental, fin du conflit
- dès lors, il n’y eut plus de conflit. Mon mental ne se battait plus, que ce soit contre le fait que la situation lui échappe, contre le fait que la soirée était probablement fichue, ou contre le fait que ce genre de choses ne devrait pas arriver. Il n’y avait plus de conflit parce qu’il n’y avait plus de mental. Il n’y avait plus de « moi ». Et c’est pourquoi le cœur, la perception authentique, la vision pénétrante, se sont manifestés.
Paradoxalement, le « décrochage » de mon mental s’est produit dans un moment de danger, sans que j’ai conscience de ce danger. Ou peut-être ai-je su que ma vie n’était pas vraiment menacée, parce qu’en réalité elle ne pourra jamais l’être. Seul le mental croit qu’il a une vie et une durée de vie limitée alors qu’il n’a que des conditions de vie. Tandis que l’Être est, selon les mots d’Eckhart Tolle, « démesuré et indestructible » [10].
La conscience du cœur

Les premiers temps après cette expérience, j’ai cru qu’à cet instant-là, j’avais pris conscience de mon mental. Mais à bien y regarder, cela fait quelques années maintenant que je prends conscience de mes pensées, de mes schémas, de mes constructions mentales, de mes émotions. J’apprends à les gérer, à ne plus me laisser piéger ni enfermer par eux. Avec plus ou moins de facilité et d’efficacité, je me détache petit à petit de tout cela. Ce n’était donc pas vraiment une prise de conscience de l’existence de mon mental qui s’était produit cette nuit-là.
En fait, ce n’est qu’à la lecture des enseignements d’Eckhart Tolle quelques mois plus tard, puis ceux de Krishnamurti par la suite, que j’ai réalisé ce qui s’était réellement passé : ma conscience, par l’intermédiaire de mon cœur, a pris conscience d’elle-même. Et cela ne relève pas du tout de la même perspective.
Nous fonctionnons sur un mode de conscience très limitée quand notre mental absorbe toute notre conscience. C’est cette étrange fusion qui fausse complètement notre perception de la vie. Ne faire qu’un avec l’Être redéfinit complètement la notion de fusion, ou disons que celle-ci est remise à sa juste place. La conscience qui fusionne avec l’Être est une saine fusion, le mental qui s’accapare la conscience créé une recherche de fusion permanente et insatiable, parce qu’artificielle et fondée sur la séparation.
Au plus près du point de non-retour
Ce que j’ai vécu m’a fait sentir réellement dans mon corps et mes cellules que j’existe au-delà de mes pensées et de mes émotions, « Je suis » autre chose que mon mental, quelque chose qui provient du cœur et qui est « infiniment plus puissant ». Je me suis approchée au maximum de la limite au-delà de laquelle je n’aurais pu ramener la réalisation profonde de cette expérience dans mon incarnation, dans mon corps, ici et maintenant. Finalement, cette expérience m’a amenée à établir une nouvelle relation avec moi-même. Sans quoi poursuivre ma route sur cette Terre aurait sans doute été trop difficile pour moi.
Voilà donc comment je peux décrire mon « expérience dans l’expérience ». Mon expérience intérieure du moins. Parce que si la présence s’est manifestée à l’intérieur de moi cette nuit-là, elle s’est aussi littéralement manifestée à l’extérieur. Pour comprendre ce que je veux dire, il faut à nouveau reprendre le cours des événements…
Une version plus vaste de moi-même
Je suis là, plus que jamais, consciente, présente, mais je ne suis pas mon mental, j’existe en dehors de lui, en unité avec Tout. Je me vis comme une version plus vaste de moi-même. Cet état de plénitude dure un instant, une éternité.
Puis, contre vents et marées, persuadé d’avoir raison et ne pouvant laisser autre chose que lui-même exister, mon mental reprend très vite les commandes. Il s’identifie aussitôt au « quoi qu’il arrive, ça va aller » émis par la conscience émanant de mon cœur. Je me dis que ça ne doit pas être bien grave, que ce mal de tête va passer. A ce moment-là, tout va très vite, l’urgence de mon corps me pousse à agir, tandis que déjà, la grâce me porte…
Points clés
- La dynamique du mental se déploie autour de quatre axes principaux : les émotions, le savoir, la pensée et le temps.
- Le mental absorbe tout ou partie de la conscience.
- Seule l’expérience qui permet à la conscience de prendre conscience d’elle-même peut la désengager du mental. Alors s’arrête le processus d’identification qui se joue entre les deux.
Notes & références
[1] WIKIPEDIA, Mental
[2] TOLLE Eckhart, Le pouvoir du moment présent, Québec : Ariane Editions, 2000, p.25
[3] KRISHNAMURTI Jiddu, Se libérer du connu, Paris : Le livre de poche, 1995, p.103
[4] Voir l’article sur la dynamique du mental. Pour découvrir d’autres facettes de la relation Mental / Conscience, vous pouvez plonger dans une lecture des événements basée sur le principe de genre.
[5] TOLLE Eckhart, Le pouvoir du moment présent, op.cit., p.20
[6] Ibid., p.47
[7] Voir également l’article sur la biologie quantique pour mieux comprendre les liens entre le cœur et le cerveau.
[8] Ibid., p.63
[9] KRISHNAMURTI Jiddu, Les limites de la pensée, Paris : Le livre de poche, 2006, p.143
[10] TOLLE Eckhart. Vous n’êtes pas votre mental. In : Les enseignements d’Eckhart Tolle
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8 commentaires à propos de “Acte 2 : A cœur vaillant, rien d’impossible”
Boujour,
je voudrais vous féliciter pour la clarté de votre approche de l’univers connecté de Nassim Haramein. J’ai rarement vu une si belle et si profonde synthèse. Un tout grand bravo.
Bonjour, merci d’avoir pris le temps de laisser ce message qui me touche beaucoup. Les travaux de ce grand physicien me passionnent, je passe beaucoup de temps à les étudier !
Moi aussi , je suis émerveillée par le contenu de votre texte et surtout par la clarté avec laquelle vous parlez de la conscience. Avec vous, on comprend enfin de quoi il s’agit, même après avoir lu les plus grands « experts » en la matière! merci à vous.
Bonjour, j’apprécie beaucoup votre commentaire. Il m’encourage à tenter de traduire en mots mes expériences intérieures. Merci 🙂
Je suis en parfait accord avec la synthèse que vous faites sur ce sujet épineux.
Bonjour, votre message arrive à un moment… intéressant ! Mes investigations actuelles sur le principe de genre m’ont poussée à reconsidérer certains aspects de mon expérience pour y voir davantage de subtilité et accéder ainsi à une nouvelle compréhension. Je reprendrai donc mon récit dans ce nouvel article… Je serai ravie de vous compter parmi mes lectrices 🙂
Bonsoir,
C’est en suivant un fil intérieur (le Fil de l’Un), et d’une vision d’une amie de l’Arbre de Vie traversé par un trait de lumière : « La Vie passe par l’Arbre », que je suis arrivé sur votre blog via la page « La biologie quantique » (recherche : cœur, champ quantique, images sur Google) ! Je dois vous dire que je bois du petit lait ! Merci beaucoup.
Bonjour, merci pour votre message, j’apprécie votre enthousiasme et votre précision 🙂