Pensées + émotions = mental
28 NOVEMBRE 2018 (mis à jour le 12 décembre 2023)
Table des matières
Je vous propose dans cet article de plonger au cœur de la dynamique du mental. D’après les enseignements d’Eckhart Tolle et Jiddu Krishnamurti, elle se déploie non seulement autour des émotions et de la pensée, mais également autour du savoir et du temps.
Les émotions
Le terme émotion vient du latin « motio », qui signifie « action de mouvoir, mouvement ». L’idée de mouvement s’exprime par le fait qu’une émotion est avant tout une réaction, psychologique et physique, à une situation. Elle se distingue en cela du sentiment, qui n’appelle pas de manifestation réactionnelle, mais relève plutôt de la connaissance immédiate. Ainsi, les émotions appartiennent au monde du mental, tandis que les sentiments émanent du cœur.
Il n’existe que deux sentiments : l’amour et la peur. Toutes les émotions – allant de la joie à la tristesse en passant notamment par la colère – découlent des sentiments. Elles finissent pourtant par ne plus avoir de lien conscient avec le cœur et n’être attachées qu’au mental. Lorsque nos émotions sont trop envahissantes, nos sentiments sont en déséquilibre, très généralement à l’avantage de la peur. Travailler sur nos émotions pour les équilibrer peut au contraire faire émerger davantage d’amour en nous.
Le savoir
Voilà un thème cher à Krishnamurti. Pour ce philosophe d’origine indienne, l’esprit est conditionné par le savoir, et également par l’expérience, car celle-ci finit tôt ou tard par devenir un savoir. Selon lui, le savoir est mécanique et entrave la liberté de l’esprit, notamment la créativité. Krishnamurti parle ici de la créativité véritable, celle qui ne trouve pas sa source dans le mental, et qui n’est pas juste la mise en œuvre d’un savoir.
On peut dire que le savoir est utile jusqu’à un certain point, au-delà duquel il devient enfermant. Krishnamurti insiste notamment sur le fait que le savoir psychologique – les idées que l’on entretient sur soi-même – finit par se transformer en routine. Pour lui, c’est l’accumulation du savoir qui représente le véritable danger car il devient de plus en plus difficile de s’en détacher. Et plus on l’utilise pour accéder à la compréhension de nous-mêmes et de ce qui nous entoure, plus on s’éloigne de la véritable connaissance.
L’accumulation du savoir implique la mémoire, et par conséquent une notion de temps. Elle alimente en quelque sorte un temps psychologique, qui lui-même sous-tend le mental.
La pensée
« La pensée a engendré le « moi » qui est devenu – en apparence – indépendant de la pensée ; et ce « moi », qui fait toujours partie de la pensée, constitue notre structure psychologique. »
JIDDU KHRISNAMURTI [1]
La pensée nourrit la séparation. Elle est fragmentaire car elle s’est dissociée de l’objet qu’elle a créé de toutes pièces. Autrement dit, elle met une distance, elle crée une division entre l’objet et sa dénomination verbale. Penser à une fleur par exemple implique automatiquement que nous la considérons à l’extérieur de nous. Notre conscience de base est ainsi devenue, par la pensée, celle de la séparation.
La pensée, à l’instar du savoir, n’est pas véritablement créative. Elle n’est utile que dans la vie pratique mais ne veut pas s’en tenir à ce rôle, elle se croit vivante et s’auto-justifie en perpétuant le « Moi » (l’Ego). Elle a en effet créé un centre artificiel, le Moi, autour duquel elle gravite continuellement sous diverses formes qui sont toujours limitées, séparatives et contradictoires, mais qui lui donnent une perception sécurisante – bien qu’illusoire – de permanence [2].
Même lorsque la pensée cherche à mettre de l’ordre dans ses propres contradictions, elle ne fait que créer plus de désordre. Elle est en quelque sorte condamnée à vivre dans la contradiction. La pensée croit exprimer ce qui est vrai mais étant basée sur la mémoire, le savoir et l’expérience, elle est seulement limitée et répétitive. Par cette répétition, elle génère son propre mouvement et sa propre énergie.
Le temps
Le temps est le maillage qui maintient des liens très forts et très étroits entre les émotions, le savoir, la pensée, l’expérience et la mémoire. Cette trame entremêle ces aspects dans des relations de causes à effets, soutenant ainsi une dynamique de l’existence qui est déterministe [3].
Le temps dont il est question ici n’est pas le temps horloge – celui qui s’écoule physiquement – mais le temps psychologique. Ce-dernier implique la mémoire et l’anticipation, qui font appel au passé, au présent et au futur. Le temps psychologique n’a rien à voir avec l’instant présent. En fait, du point de vue de la conscience, il est complètement artificiel. Par contre, il est en relation très étroite avec le mental, ainsi que l’explique Eckhart Tolle :
« Pourquoi le mental a-t-il tendance à nier l’instant présent ou à y résister ? Parce qu’il ne peut fonctionner et garder le contrôle sans le temps, c’est-à-dire sans le passé et le futur. Il perçoit donc l’intemporel instant présent comme une menace. En fait, le temps et le mental sont indissociables. »
ECKHART TOLLE [4]
Bien que l’on puisse considérer ces quatre aspects séparément, ils sont en fait étroitement imbriqués et interdépendants. Et ce d’une façon parfois très subtile, comme peut nous le révéler une lecture attentive des ouvrages d’Eckhart Tolle et de Krishnamurti.
Maintenant que nous avons un peu mieux cerné le mental, voyons si nous pouvons faire de même avec la conscience.
Peut-on définir la conscience ?
Tenter de définir la conscience constitue sans doute un défi plus important qu’il n’y parait. Parce que la conscience est à la fois impliquée en tant que sujet et objet de la quête.
On pourrait poser la question de cette façon : quelle conscience cherche à définir la conscience ? Question qui peut rapidement trouver une réponse limitée si la conscience du chercheur est identifiée au mental. De ce point de vue, un passage en revue des différents sens, aspects et caractéristiques de la conscience pourrait s’avérer restreint, voire stérile. Pourtant, à partir de quelques définitions simples, on peut se lancer dans un questionnement plus profond.
Conscience et mental : un lien fusionnel
Le dictionnaire nous apprend que la conscience est une « représentation mentale claire de l’existence, de la réalité de telle ou telle chose » [5]. Ce simple énoncé met en jeu deux éléments très discutables. Premièrement, la représentation mentale correspond à l’image que l’on se fait de la conscience et pas à la conscience elle-même. Et deuxièmement, le mental est de fait considéré comme le seul moyen d’aborder la conscience.
Autre définition : « la conscience est, du point de vue de certaines philosophies et de la psychologie, la faculté mentale qui permet d’appréhender de façon subjective les phénomènes extérieurs (par exemple, sous la forme de sensations) ou intérieurs (états émotionnels, pensées) et plus généralement sa propre existence » [6]. De nouveau, on note un lien entre la conscience et le mental, qui peut prêter à confusion.
Je dirais plutôt que la conscience est le support de la faculté mentale qui tente de la définir. Cependant, il me semble incorrect de réduire la conscience à cette faculté mentale. J’envisage plutôt les choses ainsi : sans la conscience, il ne pourrait y avoir de mental, et sans le mental, il ne saurait y avoir de définition.
En fait, l’amalgame, installé dès le départ, entre la conscience et le mental exclut la possibilité que la conscience puisse avoir sa propre existence, en dehors justement de toute attache mentale. Et c’est sur ce consensus établi notamment dans des écrits considérés comme des références – le dictionnaire et l’encyclopédie – que nous basons notre réalité.
Seule l’expérience peut changer la perception
Avant toute expérience de conscience élargie, on pourrait se contenter de ce type de définition. On pourrait, au pire, ne se voir qu’à travers les yeux du mental, ne définir la conscience qu’à travers sa fusion avec celui-ci. Ou, au mieux, on pourrait croire en la possibilité que la conscience puisse exister par elle-même.
Par contre, faire une expérience d’expansion de conscience [7] permet d’aller au-delà de la croyance. L’expérience invite à chercher une nouvelle approche, dont la subtilité réside dans le décalage qui se crée lorsque la conscience se dissocie du mental.
Notons également que si « la conscience (…) est la faculté mentale qui permet d’appréhender (…) sa propre existence », la définir sous-entend manifestement définir la « conscience de Soi ». Pourquoi pas. Mais comment définit-on le Soi ? Si nous considérons que le Soi est engendré par la pensée, cela nous ramène, encore une fois, directement au mental… Ainsi notre façon d’envisager la conscience semble dépendre, en quelque sorte, de son degré de fusion avec le mental.
J’en veux pour preuve personnelle la perception de la conscience qui a été la mienne au moment de la rupture d’anévrisme [8], et qui se trouve très éloignée de ces définitions. Partant de ce constat, j’ai cherché d’autres points de vue sur le sujet. Le plus immédiat a été celui de la médecine, puisque cette discipline s’est, de fait, invitée dans ma vie à ce moment-là. J’ai ainsi découvert que la conscience est un élément significatif qui permet d’établir à la fois le diagnostic et le pronostic d’une hémorragie méningée. J’ai donc tenté de comprendre ce qui se passe au niveau physiologique afin de déceler à quel moment précis se manifeste une interaction révélatrice avec la conscience. Et c’est ce que je vous invite à découvrir dans l’article Cerveau, science et conscience.
NB : Pour aller plus loin dans votre exploration du mental, vous pouvez également consulter les articles A malin, malin et demi, le principe de mentalisme et le principe de genre.
Points clés
- La dynamique du mental se déploie autour des émotions, de la pensée, du savoir et du temps.
- Les émotions appartiennent au monde du mental, tandis que les sentiments émanent du cœur.
- Le mental a besoin de la conscience pour exister, mais la conscience a sa propre existence, en dehors de toute attache mentale.
Notes & références
[1] KRISHNAMURTI Jiddu, Les limites de la pensée, Paris : Le livre de poche, 2006, p.151
[2] Pour en savoir plus sur la gravité mentale, voir la section consacrée dans l’article sur la loi de l’attraction.
[3] Voir l’article L’univers est-il déterministe ? pour une approche plus détaillée du sujet
[4] TOLLE Eckhart, Le pouvoir du moment présent, Québec : Ariane Editions, 2000, p.30
[5] LAROUSSE. Conscience.
[6] WIKIPEDIA. Conscience.
[7] Lire l’acte 2 de Mon histoire pour en savoir plus.
[8] Lire Mon histoire pour en savoir plus.
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4 commentaires à propos de “Pensées + émotions = mental”
Bonjour Gaetana,
je pense egalement que l’accumalation du savoir enferme
Je m’approche de la fin de ma carriere professionnelle, et un elan me pousse a me liberer de toute la connaissance que j’avais accumulee par peur (je jette mes archives, et je m’en trouve allege)
Par ailleurs, j’eprouve un plaisir a transmettre sans condition tout ce que j’ai pu apprendre
Quelqu’un au travail, me disait recemment « le Pouvoir vient de retenir des Informations pour soi-meme »
J’ai plutot pense que le Pouvoir vient lorsqu’on a tout partage, et ca devient un Pouvoir collectif sans lien de subordination
Bonjour Didier, c’est peut-être là toute la différence entre le « pouvoir sur » et le « pouvoir de »… Bonne continuation
Definir la conscience est inutile, on ne peux qu’en faire l’experience car la conscience est simplement l’essence de nous même. Le mental est devenu une intelligence artificielle qui a pour principal objectif de nous proteger : l’accumulation de savoir en est un des moyens, le problème n’est pas le savoir qui est bien utile, mais le savoir pour expliquer la conscience est un non sens total. La conscience peut observer le mental mais le mental ne peux observer la conscience et si cela semble être le cas il ne fait que s’observer lui même en croyant que c’est la conscience. c’est dans ce cas une illusion jusqu’a ce que le mental bugue et nous ramène à plus de simplicité et de ressentis.
Bonjour, dans l’absolu, définir la conscience est inutile en effet. Cependant, ainsi que nous l’enseignent les hermétistes, ne regarder que l’absolu depuis notre condition humaine relative est comme vivre dans une demi-vérité. Le mental est ainsi fait qu’il aime définir les choses. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Mais nous pouvons l’amener à s’ouvrir, à relâcher son besoin compulsif de contrôle, et à aller au-delà de lui-même. Je l’ai fait « à la dure » au cours d’une rupture d’anévrisme, mais il semblerait qu’il y ait un processus naturel en cours sur cette planète par lequel il y arrivera finalement. Je ne suis pas sûre que son principal objectif soit de nous protéger, mais plutôt de se protéger lui-même en restant à l’intérieur de lui-même. A moins qu’il finisse par faire confiance à l’être doté d’une âme que nous sommes. Je parlerai de cela dans un prochain article. Merci pour votre message.