Les synchronicités,
une résonance avec l'inconscient
7 JUILLET 2019 (mis à jour le 17 mars 2023)
Table des matières
Le premier article de cette série était consacré à l’aspect historique des synchronicités, terme créé par Carl Jung. Je vous propose ici d’explorer un autre thème cher à ce psychanalyste : l’inconscient. Mais tout d’abord, j’aimerais revenir sur les caractéristiques des synchronicités.
Historiquement, la notion d’acausalité arrive en tête de liste des éléments définissant les synchronicités. Ainsi que l’explique Jung : « (…) le principe de causalité (…) paraissait insuffisant pour éclairer certains phénomènes remarquables de la psychologie inconsciente. Je découvris en effet l’existence de phénomènes psychologiques parallèles entre lesquels il n’est absolument pas possible d’établir une relation causale mais qui doivent être dans un autre ordre de connexions. » [1]
En fait, les événements synchronistiques échappent non seulement au principe de causalité mais également aux probabilités statistiques et à la reproductibilité. Ainsi, ces événements rares et uniques échappent-ils au fondement même de notre conception des lois naturelles, au consensus sur lequel nous basons notre réalité, et, finalement, à la science. A la notion de causalité telle que le déterminisme classique la définit, Jung a substitué par nécessité un principe de similitude de sens.
Le sens, la cause et l’information
De l’acausalité…
Envisager les synchronicités semble dès lors nous inviter à modifier notre conception du monde. Autant dire que le défi est de taille tellement la toute-puissance de la causalité est profondément ancrée en nous; au point qu’il paraisse impensable que des événements sans cause puissent se produire. Pour autant, envisager les synchronicités doit-il nous amener à considérer que nous vivons dans un univers où le sens supplante finalement la cause ?
Il y a deux manières d’examiner cette question. Soit les événements synchronistiques ont une cause, mais celle-ci étant inaccessible, on ne peut les distinguer que par le sens. Cette interprétation est en faveur d’une théorie de l’information, où l’absence de cause équivaudrait simplement à une absence d’information [2].
Soit ces événements n’ont véritablement pas de cause. Mais ainsi que nous l’explique l’astrophysicien Hubert Reeves, il est risqué de parler d’acausalité puisque :
« Un événement est dit acausal jusqu’à ce qu’on ait découvert sa cause. C’est-à-dire son appartenance au monde des causes et des effets. (…) L’histoire des sciences c’est, en définitive, la liste des relations causales découvertes successivement entre des objets apparemment sans relation. »
HUBERT REEVES [3]
Si l’on se tourne vers les enseignements hermétiques, l’acausalité s’éloigne encore un peu plus… D’après le principe de cause et d’effet « Toute Cause a son Effet ; tout Effet a sa Cause ; tout arrive conformément à la Loi ; le hasard n’est qu’un nom donné à la Loi méconnue ; il y a de nombreux plans de causalité, mais rien n’échappe à la Loi. »
… à l’inconscient
Mon expérience, même si elle ne fera probablement jamais partie de l’histoire des sciences (!), illustre les précautions à prendre avec l’acausalité. Ainsi, si l’arrêt de la seconde hémorragie méningée n’avait aucune cause pour l’équipe médicale, elle en avait une bien réelle pour moi : l’intervention toute en synchronicité de Madeleine. Intervention qui elle-même avait une cause, à laquelle nous seules avions accès à ce moment-là : mon choix de vivre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce choix était chargé de sens… ! Finalement, la seule différence entre l’équipe médicale et moi reposait donc sur les informations supplémentaires à ma disposition. Ce qui nous ramène à la théorie de l’information, dans laquelle il n’y a plus à choisir entre la cause et le sens, les deux ne s’excluant pas l’une l’autre.
Les apparences sont pourtant trompeuses. En effet, si l’on adopte la perspective d’un quotidien régit par la loi de causalité et pouvant apparaître comme dénué de sens, tout événement acausal et chargé de sens sera considéré comme en opposition à la norme. Mais quand bien même notre loi de causalité ne s’appliquerait pas à cet événement, est-ce pour autant qu’aucune loi de causalité ne serait applicable ? Je m’explique : notre loi de causalité a été établie à partir des événements auxquels notre conscience a accès. Autrement dit, des événements qui sont parvenus jusqu’à notre champ de conscience. Et elle ne peut s’appliquer qu’à ces événements. Je parle donc d’une causalité qui mettrait en jeu un autre niveau de conscience que celui à partir duquel nous interagissons avec le réel. Une causalité qui mettrait en jeu l’inconscient.
Synchronicités : une expression de l’inconscient
Changer de perspective
Inclure le champ de l’inconscient dans l’équation de la causalité ne veut pas dire que l’on ne peut plus appliquer le principe de causalité. Cela veut simplement dire que l’on ne peut pas observer sa mise en œuvre dans le champ d’application qui nous est accessible. Car si seul l’effet est accessible, comment pourrions établir une relation entre l’effet et la cause ?
En revanche, au niveau du champ d’information de l’univers, qu’est-ce qui empêcherait qu’une loi de causalité soit à l’œuvre ? Une loi dont nous ne verrions l’application qu’au filtre très réduit de notre champ de conscience ?
Si tel était le cas, cela signifierait que le principe de causalité agirait tout le temps et sur tous les plans mais que nous ne pourrions observer son action que sur des événements manifestés. C’est-à-dire des événements parvenus jusqu’à notre champ de conscience, individuel ou collectif. Dans ce scénario, pour la très grande majorité d’entre nous, la causalité prendrait toujours le pas sur le sens dans notre interprétation du monde. Et ce parce que le niveau de conscience à partir duquel nous interprétons le monde est mental. Il est linéaire, mécanique, fondé sur l’enchaînement passé / présent / futur et donc sur la causalité. Autant dire que ce scénario ressemblerait beaucoup à la réalité que nous connaissons ! Pourquoi, alors, s’y attarder ?
Parce qu’il élargit considérablement notre perspective. La causalité, à l’intérieur du cadre mental dans lequel nous l’appliquons, exclut le champ de l’inconscient. Cependant, le fait que, malgré tout, les synchronicités se manifestent doit nous faire envisager de le prendre en compte. Nous devons l’envisager parce que les synchronicités n’apportent pas n’importe quel type d’information : elles révèlent des informations de l’inconscient qui entrent en résonance avec le champ du conscient. C’est pourquoi elles font sens.
Un plan de causalité inaccessible
Les synchronicités nous donnent fugitivement accès à l’inconscient. Précisément, elles ouvrent la conscience à une résonance avec l’inconscient. Dès lors, elles peuvent s’inscrire dans le cadre de la théorie de l’univers connecté de Nassim Haramein. C’est-à-dire dans le feedback continu d’information entre la matière et le vide, entre ce qui parvient à la conscience et ce qui reste dans le champ de l’inconscient. A son tour, le lien inaltérable entre ces deux champs doit nous amener à une autre vision des choses. Afin de réaliser qu’une cause inconsciente puisse avoir un effet conscient et qu’une cause consciente puisse avoir un effet inconscient.
Nassim Haramein montre que le vide quantique – la conscience ou encore l’énergie – est la source de la matière. Ce qui nous enseigne deux choses. Premièrement il n’y a pas de séparation entre l’énergie du vide et la matière. Et deuxièmement, il existe une relation de causalité entre les deux : sans le vide quantique, pas de matière. Ce qui veut dire qu’il existe un plan de causalité qui nous est inaccessible, contrairement à celui qui se manifeste au niveau de la matière elle-même, celui que nous expérimentons au quotidien et sur lequel nous basons notre loi de causalité. Et non seulement ce plan de causalité nous est inaccessible mais il met en jeu un délai imperceptible à notre échelle entre la cause et l’effet. Pourquoi ? Parce que l’échange d’informations entre le vide et la matière se fait à la vitesse de la lumière !
Synchronicités : une expression de la présence
Pourquoi la synchronicité est-elle finalement si fascinante ? Parce qu’elle semble annuler le temps en absorbant toute notre attention dans l’instant présent. Elle est spontanée, inattendue, évidente. Elle nous interpelle dans l’imprévisible, elle nous invite à nous détacher du connu. La synchronicité est une percée dans le processus de pensée, une opportunité de prise de conscience qu’il existe un ordre des choses qui nous échappe. Un ordre des choses inconscient.
La synchronicité est une expression de la présence. Lors d’une synchronicité, seul existe l’événement porteur de sens. Il emplit l’espace et le temps, qu’il rend alors sans valeur. L’atemporalité prend place, comme un faire-valoir de la dimension temporelle, la seule dans laquelle la synchronicité puisse se révéler.
Vivre une synchronicité, c’est être totalement synchronisé avec le temps de la vie qui nous entoure. C’est n’être ni en retard, ni en avance, ni dans le passé, ni dans le futur, mais dans l’instant présent. C’est être dans le flux naturel de la vie plutôt que dans l’illusion de ce qui est construit par le mental. C’est être au centre de nous-même et expérimenter directement ce qui en émane. C’est être sur un chemin d’évolution différent. Un chemin où le champ d’application de la causalité n’est plus simplement du domaine du conscient, mais relève aussi de celui de l’inconscient.
Synchronicités : une expression du principe de résonance
Du modèle standard…
La synchronicité donne un aperçu de la connexion qui existe entre toutes les choses dans l’univers, qu’elles soient conscientes ou inconscientes. Elle se révèle être en faveur d’une théorie de l’information. Elle est l’expression d’un monde un, signifiant, où événements, personnes et circonstances convergent dans l’instant présent. Et d’où il résulte, par effet de résonance, un sens.
Alors pourquoi n’existe-t-il pas une science des synchronicités ? Il semble évident que le cadre de la physique standard n’est pas adapté à l’étude de ces événements non reproductibles. Ils sortent complètement de son champ d’investigation. Car ainsi que l’explique le philosophe Michel Bitbol :
« Le physicien néglige ce qui varie d’un instant à l’autre ou d’une personne à l’autre, et ne retient que ce qui se répète (…) il ordonne cela par des lois formelles et se rend une partie du monde prévisible. Il repousse le sens dans un domaine de structure idéale, mathématique (…) La singularité de nos vies n’a pas de place dans [la] pensée [du physicien] car cela lui échappe par construction. Ce n’est pas un défaut mais un choix de méthode. »
MICHEL BITBOL [4]
… à l’univers connecté
Mais si pour le philosophe « les sciences n’ont ni de quoi justifier ni de quoi discréditer la synchronicité en tant que donation de sens qui est importante pour notre existence » [5], je vois une exception : la physique de Nassim Haramein. Elle explique et inclut les synchronicités sans même chercher à le faire. En s’appuyant sur l’existence d’un champ d’information universel et sur le principe de résonance. A l’intérieur de ce champ – qui s’apparente à l’inconscient collectif de Jung – tout est connecté, les informations circulent grâce à une dynamique de rétroaction. Elles entrent en résonance les unes avec les autres. Sans parler de science des synchronicités, le physicien propose un modèle dans lequel elles ont naturellement leur place.
Dans le prochain article, je vous invite à explorer la dimension concrète des synchronicités à travers plusieurs exemples tirés de mon expérience.
Points clés
- Il existe un plan de causalité qui nous est inaccessible : le champ de l’inconscient.
- Les synchronicités sont une expression de l’inconscient. Elles révèlent des informations qui sont en résonance avec le champ du conscient. C’est pourquoi elles sont improbables autant qu’elles font sens.
- Au contraire de la physique standard, la théorie du champ unifié est adaptée à l’étude des synchronicités car elle est basée sur la résonance du champ d’information universel.
Notes & références
[1] JUNG Carl Gustav, Ma vie : souvenirs, rêves et pensées, Paris : Gallimard, Collection Folio, 1991, p. 463
[2] A propos des relations entre causalité et information, vous pouvez consulter l’article Réalité et physique quantique.
[3] REEVES Hubert. (1990). Incursion dans le monde acausal, In : La Synchronicité, l’âme et la science, H. Reeves, M.Cazenave, P. Solié et al., Editions Séveyrat, p.11
[4] BITBOL Michel, Synchronicité – Rencontre autour du temps présent [vidéo]
[5] Ibid.
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