L’effet papillon 3/5

Irréversibilité, mémoire et entropie

irreversibilite-memoire-entropie

Effet papillon, suite de l’enquête ! Avant de pour­suivre votre lec­ture, il est encore temps d’explorer l’his­toire de la théo­rie du chaos et d’élargir votre pers­pec­tive en envi­sa­geant les sys­tèmes chao­tiques sous l’angle de l’inter­dé­pen­dance. Vous y êtes ? Alors gar­dez bien ces infor­ma­tions en mémoire, nous allons les mettre en pers­pec­tive avec les notions d’irréversibilité et d’entropie.

                   

De l’irréversibilité des phénomènes

Cours du temps, flèche du temps

Il n’existe pas de consen­sus en phy­sique sur la notion de temps. Ni d’ailleurs en phi­lo­so­phie. Ce sujet méri­te­rait pro­ba­ble­ment un article à part entière. Faute de temps… je me conten­te­rais ici d’un rac­cour­ci ! Pour essayer d’éclair­cir le mys­tère du temps et poser les bases de cet article, j’emprunte au phy­si­cien et phi­lo­sophe des sciences Etienne Klein la dis­tinc­tion entre cours du temps et flèche du temps.


« Pour dire les choses en une phrase, le cours du temps assure la conti­nui­té du monde – il empêche le monde de dis­pa­raître – tan­dis que la flèche du temps y pro­duit des his­toires dont l’épilogue n’est jamais iden­tique au com­men­ce­ment. »
[1]

« Disons que le cours du temps vous empê­che­ra dans le futur d’a­voir un âge plus faible que le vôtre actuel­le­ment et la flèche du temps vous empê­che­ra de res­sem­bler dans le futur à l’en­fant que vous étiez. » [2]


Les pro­pos d’Etienne Klein sont faci­le­ment conce­vables à notre échelle : nous fai­sons l’expérience de l’irréversibilité des phé­no­mènes. Notre expé­rience nous enseigne conti­nuel­le­ment que l’on ne peut pas remon­ter le temps. On ne peut pas remettre dans la boite les œufs qui ont ser­vi à faire l’omelette.

Qu’en est-il à l’échelle micro­sco­pique ? La réponse est loin d’être évi­dente parce que les choses ne sont pas vrai­ment com­pa­rables. A cette échelle, en effet, on ne peut pas avoir une expé­rience directe du temps, ni aucune autre d’ailleurs, on ne peut qu’obser­ver des phé­no­mènes. Et notre obser­va­tion mène à une tout autre interprétation.

                       

Expérience Vs Observation

phenomene-reversible

Toutes les équa­tions de la phy­sique micro­sco­pique, comme l’équa­tion de Schrödinger, sont réver­sibles en temps. Ce qui veut dire que tout ce qu’elles per­mettent de faire, elles per­mettent éga­le­ment de le défaire. Ainsi, on peut réa­li­ser en labo­ra­toire des col­li­sions de par­ti­cules… et éga­le­ment des col­li­sions inver­sées. Mais comprenons-nous bien : c’est le phé­no­mène qui est réver­sible, pas le temps !

Notons tout de même qu’une col­li­sion de par­ti­cules, fût-elle inver­sée, n’a pas beau­coup de sens pour nous, c’est le cas de le dire ! Car nous n’en fai­sons jamais l’expérience. Aussi, que le temps au niveau micro­sco­pique s’écoule dans un sens ou dans l’autre, que le temps et les phé­no­mènes soient indé­pen­dants les uns des autres, cela ne reste pour nous qu’une obser­va­tion sans lien avec notre expé­rience. Pour autant, est-on sûr de ce que l’on observe ? Nous y reviendrons.

Si pour les phé­no­mènes réver­sibles, il n’existe donc pas de flèche du temps, com­ment expli­quer alors l’émer­gence de cette flèche au niveau macro­sco­pique ? Ou, autre­ment dit, com­ment expli­quer l’ir­ré­ver­si­bi­li­té macro­sco­pique à par­tir de lois phy­siques micro­sco­piques qui sont toutes réversibles ?


« Il n’est pas exclu que le cours du temps et la flèche du temps pro­cèdent en défi­ni­tive d’une seule et même réa­li­té, plus pro­fonde, qu’ils soient l’un et l’autre des pro­duits déri­vés de phé­no­mènes sous-jacents qu’une « nou­velle phy­sique » met­tra peut-être à jour (…). »
[3]


Il sem­ble­rait que la « nou­velle phy­sique » de Nassim Haramein mette à jour un phé­no­mène sous-jacent. Tout d’a­bord, pour lui, le temps est un concept humain. Et non une carac­té­ris­tique de l’univers. Ce qui carac­té­rise l’univers, c’est la mémoire.

                    

La mémoire plutôt que le temps

Un phénomène sous-jacent…

 

« Sans mémoire, il n’y a pas de temps. Si vous ne pou­vez pas vous sou­ve­nir de l’instant pré­cé­dent, vous n’avez aucune notion du temps. » [4]


memoire-et-irreversibiliteDans sa théo­rie du champ uni­fié (uni­vers connec­té), Nassim Haramein montre que l’univers encode de l’information sur la trame de l’espace-temps. L’encodage a lieu avec une consé­cu­ti­vi­té si minu­tieuse qu’il nous pro­cure cette sen­sa­tion si fami­lière de « temps qui passe ». Ainsi est assu­rée « la conti­nui­té du monde » dont parle Etienne Klein.

Les infor­ma­tions mises en mémoire par l’univers forment une pro­gres­sion régu­lière que nous inter­pré­tons comme le pas­sage du temps, avec ses com­men­ce­ments et ses épi­logues. Commencements et épi­logues qui ne sont jamais les mêmes parce que leurs coor­don­nées spatio-mémorielles [5] res­pec­tives ne peuvent jamais être iden­tiques. La seule façon pour nous de dis­tin­guer un épi­logue d’un com­men­ce­ment est de nous sou­ve­nir du com­men­ce­ment. Et ce qui dif­fé­ren­cie un com­men­ce­ment d’un épi­logue, c’est l’apprentissage qui s’opère entre les deux [6]. Chaque sys­tème apprend sur lui-même et pro­gresse. Comme aucun sys­tème n’est iso­lé dans l’univers connec­té, cha­cun par­ti­cipe éga­le­ment à l’apprentissage des autres. Ainsi, quelle que soit l’échelle, aucun sys­tème ne peut jamais reve­nir aux coor­don­nées spatio-mémorielles aux­quelles il était et, en ce sens, il existe une flèche du temps. Une flèche du temps qui, pour ain­si dire, tra­verse les échelles.

C’est pour­quoi si la col­li­sion inver­sée en labo­ra­toire ne nous fait pas remon­ter le temps, elle n’est pas pour autant incom­pa­tible avec une flèche du temps. Les par­ti­cules s’informent en effet conti­nuel­le­ment, enco­dant chaque fois des infor­ma­tions qui petit à petit s’accumulent pour for­mer leur mémoire. De même, on peut croire que la tra­jec­toire d’un oscil­la­teur clas­sique, comme un pen­dule, repasse tou­jours par les mêmes points. En réa­li­té, à chaque pas­sage du pen­dule, ces points se situent à des coor­don­nées spatio-temporelles dif­fé­rentes [7].

                  

… pour une propriété émergente

Moralité : La mise en mémoire de l’information per­met à la fois à la conti­nui­té du monde d’être assu­rée et aux épi­logues d’être tou­jours dif­fé­rents des com­men­ce­ments. Autrement dit, elle explique à la fois le cours et la flèche du temps, et ain­si l’irréversibilité des phénomènes.

Notre âge et notre appa­rence ne chan­ge­ront pas plus avec la notion de mémoire qu’avec la notion de temps. Mais la mise en mémoire offre une pos­si­bi­li­té inté­res­sante : se connec­ter à un âge ou à un état phy­sique connu dans le pas­sé. Une telle pos­si­bi­li­té existe de par la nature holo­gra­phique de l’univers [8], qui rend toute infor­ma­tion dis­po­nible en chaque point de l’espace. De là, il est alors pos­sible de modi­fier l’information enco­dée à des coor­don­nées pré­cises, et ain­si notre res­sen­ti de cette infor­ma­tion dans le pré­sent et pour le futur.

Finalement, la dyna­mique qui construit la ligne tem­po­relle de l’univers suit, logi­que­ment, celle qui sous-tend l’univers. Cette dyna­mique fait, défait et refait sans cesse la matière. Par ce feed-back entre le vide et la matière, elle crée l’illusion du mou­ve­ment, donc du temps et de l’irréversibilité que l’on expé­ri­mente. Le temps devient alors une pro­prié­té émer­gente [9] de la dyna­mique de l’univers.

Si pour le phy­si­cien Ilya Prigogine, « il y a une flèche du temps au niveau macro­sco­pique, mais le niveau micro­sco­pique crée l’illusion qu’il n’y en a pas » [10], pour Nassim Haramein, il y a une flèche du temps, de l’échelle micro­sco­pique à l’échelle macro­sco­pique, parce que l’univers met en mémoire l’information.


 memoire-et-irreversibilite
Avant de pour­suivre dans la voie de cette nou­velle phy­sique, reve­nons un moment aux théo­ries stan­dards, qui envi­sagent l’irréversibilité en lien avec le concept d’entropie :


« L’entropie est l’élément essen­tiel intro­duit par la ther­mo­dy­na­mique, la science des pro­ces­sus irré­ver­sibles, c’est-à-dire orien­tés dans le temps. »
[11]

                   

La complexité plutôt que le chaos

Le concept d’entropie

Qu’est-ce que l’entropie ?

L’entropie se défi­nit dans un sys­tème fer­mé, c’est-à-dire une por­tion d’espace qui n’a aucune inter­ac­tion avec l’extérieur. J’aborde ici ce concept sous l’angle de la notion de cha­leur [12].

La cha­leur désigne un flux d’éner­gie entre deux sys­tèmes. C’est un trans­fert d’agitation ther­mique [13] qui, comme sa défi­ni­tion l’indique… est désor­don­né ! Les chocs entre par­ti­cules créent une agi­ta­tion qui se pro­page dans toutes les direc­tions, sachant que le trans­fert ther­mique s’ef­fec­tue tou­jours du sys­tème le plus chaud vers le sys­tème le plus froid.

Un exemple ? On met une tasse de thé chaud dans une pièce froide fer­mée. On consi­dère que le thé et la pièce forment un sys­tème iso­lé, qui évo­lue de la façon suivante :

  • Dans l’é­tat ini­tial, le thé, du fait de sa tem­pé­ra­ture éle­vée, pos­sède l’agitation ther­mique la plus importante.
  • Au fur et à mesure du temps, et irré­ver­si­ble­ment, le thé va trans­mettre son agi­ta­tion ther­mique à la pièce. Sa tem­pé­ra­ture va donc dimi­nuer, tan­dis que celle de la pièce va aug­men­ter, jusqu’à ce que la tem­pé­ra­ture entre le thé et la pièce finisse par s’homogénéiser.
  • Le sys­tème ne revien­dra jamais spon­ta­né­ment à son état ini­tial. Pour que le thé se réchauffe, il fau­drait four­nir du tra­vail (lui appor­ter de l’éner­gie). L’équivalence entre la cha­leur reçue (Q) et le tra­vail four­ni (W) est : W + Q = 0, soit W = — Q (tra­duc­tion : le tra­vail pro­duit de la cha­leur, qui est cédée à l’extérieur).

                       

Que mesure l’entropie ?

L’entropie mesure la ten­dance de l’éner­gie à se dis­per­ser. Elle quan­ti­fie deux choses :

  • le degré de dis­per­sion de l’éner­gie (sous toutes ses formes : ther­mique, chi­mique, élec­trique) par­mi les par­ti­cules d’un système,
  • et le degré de répar­ti­tion de ces par­ti­cules dans toutes les direc­tions à tra­vers tout le volume accessible.

 

Entropie


L’entropie est un phé­no­mène macro­sco­pique qui n’a de sens que s’il y a un nombre éle­vé de par­ti­cules, condi­tion sine qua none à l’apparition de l’irréversibilité. Avec le temps, l’en­tro­pie ne peut qu’aug­men­ter. Il y a en effet davan­tage de façons de répar­tir l’éner­gie que de la concen­trer. Vous avez d’ailleurs sans doute remar­qué qu’il est très facile de semer le chaos dans un Rubick’s Cube, mais qu’il n’y a qu’une seule façon de le mettre en ordre (même s’il y a plu­sieurs méthodes pour y arriver) !

Tout sys­tème fer­mé finit par atteindre l’état d’en­tro­pie maxi­male, dans lequel l’éner­gie est uni­for­mé­ment dis­tri­buée. Etat que l’on appelle éga­le­ment « équi­libre thermodynamique ».

                      

La thermodynamique

Une histoire de pendule

L’éner­gie ther­mique est l’une des diverses formes que peut prendre l’énergie dans l’univers. Il existe éga­le­ment l’énergie élec­trique, l’énergie chi­mique et l’éner­gie méca­nique. Cette-dernière se ren­contre à son tour sous deux formes : l’énergie poten­tielle (liée à l’altitude) et l’énergie ciné­tique (liée à la vitesse).

La ther­mo­dy­na­mique, appa­rue au dix-neuvième siècle, est, his­to­ri­que­ment, la science de la cha­leur. Du fait que les ther­mo­dy­na­mi­ciens ont démon­tré la trans­for­ma­tion irré­ver­sible de l’éner­gie ciné­tique en éner­gie ther­mique, appe­lée « pro­duc­tion d’en­tro­pie », on peut éga­le­ment la défi­nir comme la science des grands sys­tèmes en équi­libre, ou encore la science de l’irréversibilité.

PenduleEnergie poten­tielle, éner­gie ciné­tique, entro­pie… vous êtes per­dus ? Restez avec moi, je prends mon pen­dule et je vous explique ! Si je place la masse du pen­dule en posi­tion haute, elle pos­sède une éner­gie poten­tielle maxi­male, du fait de son alti­tude, et une éner­gie ciné­tique nulle puisqu’elle est immo­bile. Attention, je lâche tout ! Lorsqu’elle passe à son point le plus bas, la masse a, de fait, une éner­gie poten­tielle nulle. En revanche, sa vitesse, et donc son éner­gie ciné­tique, sont maxi­males. En remon­tant de l’autre côté, la masse perd de la vitesse et, en même temps, de l’éner­gie ciné­tique. Mais comme elle gagne de la hau­teur, son éner­gie poten­tielle augmente.

Au fur et à mesure que le pen­dule se balance, il est frei­né par la résis­tance de l’air. Il perd alors en éner­gie ciné­tique, ou plus exac­te­ment, son éner­gie ciné­tique se trans­forme en éner­gie ther­mique : l’entropie aug­mente.

                  

De l’énergie de qualité… ou pas

Ce qu’il faut com­prendre, c’est que toutes les éner­gies ne se valent pas. L’énergie ther­mique est beau­coup moins « utile » que les autres, dans le sens où on ne peut jamais la trans­for­mer inté­gra­le­ment en tra­vail, alors que l’inverse est possible.

La ther­mo­dy­na­mique nous enseigne ain­si les deux prin­cipes suivants :

1er prin­cipe : Dans un sys­tème iso­lé, la quan­ti­té totale d’éner­gie, en incluant l’énergie ther­mique, est conservée.

En quan­ti­té inva­riable dans l’univers, l’énergie ne peut être ni pro­duite à par­tir de rien, ni détruite. Elle ne peut que chan­ger de forme, ou se trans­mettre d’un sys­tème à un autre. Dans le cas du pen­dule, on a donc : Énergie méca­nique + Énergie ther­mique = Constante

2ème prin­cipe : Si la quan­ti­té d’énergie se conserve, cela ne signi­fie pas pour autant que le sys­tème est stable. Car la qua­li­té de l’énergie, en revanche, se dégrade : de plus en plus d’éner­gie se dis­perse en éner­gie ther­mique inutilisable.

Je reprends mon pen­dule et je vous explique ! Tandis que la masse est en mou­ve­ment, elle subit la résis­tance de l’air. Cela pro­voque une agi­ta­tion micro­sco­pique désor­don­née des atomes qui com­posent la masse, et un trans­fert de cette agi­ta­tion ther­mique du sys­tème vers le milieu exté­rieur. La masse perd de la vitesse, son éner­gie ciné­tique se trans­forme en éner­gie ther­mique qui, ain­si dis­per­sée, devient inutilisable.

Il y a donc tou­jours autant d’énergie dans le sys­tème, mais de moindre qua­li­té : l’entropie aug­mente, et ce jusqu’à ce que le sys­tème atteigne l’é­qui­libre ther­mo­dy­na­mique (l’état d’en­tro­pie maxi­male). On peut aus­si dire que le deuxième prin­cipe éta­blit l’irréversibilité des phénomènes.

                   

Entre ordre et désordre

Selon la ther­mo­dy­na­mique, l’entropie ne peut donc qu’augmenter dans l’univers, consi­dé­ré par la phy­sique stan­dard comme un sys­tème iso­lé. Soit. Nous obser­vons pour­tant une crois­sance irré­ver­sible de la com­plexi­té depuis le « Big Bang ». L’univers a en effet évo­lué d’une « soupe de plas­ma » proche de l’équilibre ther­mique vers la for­ma­tion de galaxies, de pla­nètes ou encore d’êtres humains. C’est-à-dire des struc­tures on ne peut plus ordon­nées.

Il sem­ble­rait que l’ordre ne contre­dise donc pas la ten­dance du mou­ve­ment géné­ral de l’univers au désordre. Est-ce à dire que l’organisation a un coût et que le désordre est le prix à payer pour l’or­ga­ni­sa­tion de l’u­ni­vers ? Du point de vue de la ther­mo­dy­na­mique, ce n’est pas si étrange. On peut en effet conce­voir l’apparition de struc­tures ordon­nées tant que du désordre s’est déve­lop­pé simultanément.

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des sys­tèmes iso­lés… si les struc­tures dis­si­pa­tives n’exis­taient pas !

                 

Les structures dissipatives

prigogineLes struc­tures dis­si­pa­tives sont des sys­tèmes ouverts. Loin de l’é­qui­libre ther­mo­dy­na­mique, elles sont le siège d’une orga­ni­sa­tion spon­ta­née. C’est le phy­si­cien et chi­miste Ilya Prigogine qui les a nom­mées ain­si en 1969.

Associer les termes struc­ture et dis­si­pa­tion, c’est comme asso­cier l’ordre et la pagaille : un peu para­doxal, non ? Pas si l’on envi­sage le second prin­cipe de la ther­mo­dy­na­mique sous un nou­vel angle. Non pas celui où l’irréversibilité conduit le sys­tème vers l’é­tat d’entropie maxi­male, mais celui où l’irréversibilité devient source de cohé­rence et d’auto-organisation.

Contrairement aux sys­tèmes chao­tiques, qui dépendent seule­ment de condi­tions ini­tiales, les struc­tures dis­si­pa­tives sont condi­tion­nées par des per­tur­ba­tions ou fluc­tua­tions permanentes.


« Notre monde pré­sente des inter­ac­tions per­sis­tantes (…) La méca­nique clas­sique consi­dère des mou­ve­ments iso­lés alors que l’ir­ré­ver­si­bi­li­té ne prend son sens que lorsque nous consi­dé­rons des par­ti­cules plon­gées dans un milieu où les inter­ac­tions sont per­sis­tantes. »
[14]


En ce sens, un ané­vrisme est davan­tage une struc­ture dis­si­pa­tive qu’un sys­tème chao­tique [15]. La divi­sion des grands tour­billons qui le com­posent en tour­billons plus petits per­met un trans­fert d’éner­gie des grandes vers les petites échelles. On parle de cas­cades d’énergie, qui occa­sionnent une forte dis­si­pa­tion d’éner­gie, et conduisent donc à une aug­men­ta­tion de l’entropie.

Cet état de non-équilibre se sta­bi­lise néan­moins grâce à l’énergie que le sys­tème tour­billon­naire puise dans son envi­ron­ne­ment. Précisément, il accu­mule de l’énergie par réso­nance [16], et com­pense ain­si l’entropie. Finalement, il auto-alimente et main­tient l’organisation de sa struc­ture… jusqu’à un cer­tain point cepen­dant. Dans le cas d’un ané­vrisme, en effet, l’é­vo­lu­tion natu­relle se fait vers l’aug­men­ta­tion iné­luc­table de son calibre. A terme, tout ané­vrisme est mena­cé de rup­ture. En effet, plus la pres­sion arté­rielle aug­mente, plus le rayon de l’anévrisme aug­mente, plus la ten­sion sur la paroi est éle­vée, moins elle peut résister…

                        

Entropie et néguentropie, une grande histoire d’amour

irreversibilite-temps-fractal

Avant Ilya Prigogine, Erwin Schrödinger [17] avait déjà mis en avant la pos­si­bi­li­té phy­sique de pro­ces­sus à « entro­pie néga­tive ». Schrödinger vou­lait mar­quer la dif­fé­rence entre les pro­ces­sus ther­mo­dy­na­miques phy­siques et les pro­ces­sus vitaux. Dans cette lignée, le mathé­ma­ti­cien et phy­si­cien fran­çais Léon Brillouin a créé le terme « néguen­tro­pie » en 1956 pour rem­pla­cer celui d’entropie néga­tive [18].

La ther­mo­dy­na­mique clas­sique nous enseigne que la ten­dance de l’énergie est d’aller de l’ordre vers le désordre. L’expérience montre pour­tant que l’irréversibilité est plu­tôt source de cohé­rence dans l’univers. A tra­vers les struc­tures dis­si­pa­tives, et au prix d’une grande quan­ti­té d’énergie, certes. Car l’augmentation de l’ordre à l’intérieur d’une struc­ture entraîne une aug­men­ta­tion du désordre exté­rieur et inversement.

Plutôt que de s’opposer, entro­pie et néguen­tro­pie sont en fait com­plé­men­taires. Elles sont par­tie pre­nante de la même dyna­mique, celle de l’auto-organisation, celle qui construit de l’ordre à par­tir du désordre.

Nous allons le voir dans le pro­chain article Gravité, entro­pie et auto-organisation, la dif­fé­rence entre les pro­ces­sus ther­mo­dy­na­miques phy­siques et les pro­ces­sus vitaux n’est pas aus­si nette qu’il y paraît. Les notions de feed-back et de réso­nance, mises en évi­dence par Nassim Haramein et indis­pen­sables à la consti­tu­tion d’un niveau hié­rar­chique d’organisation, sont valables pour tous les processus !

          

              

 


Points clés

  • Le temps est un concept humain et non une carac­té­ris­tique de l’univers. Ce qui carac­té­rise l’univers, c’est la mémoire.

  • La mise en mémoire de l’in­for­ma­tion explique à la fois le cours et la flèche du temps, et ain­si l’irréversibilité des phé­no­mènes. Le temps est une pro­prié­té émer­gente de la dyna­mique de l’univers.

  • L’entropie mesure la ten­dance de l’éner­gie à se dis­per­ser. C’est un phé­no­mène macro­sco­pique qui n’a de sens que s’il y a un nombre éle­vé de par­ti­cules, condi­tion sine qua none à l’apparition de l’irréversibilité. L’entropie ne peut qu’augmenter dans un sys­tème fermé.

  • Dans les struc­tures dis­si­pa­tives (sys­tèmes ouverts), l’irréversibilité ne conduit pas le sys­tème vers l’é­tat d’entropie maxi­male, mais elle devient source de cohé­rence et d’auto-organisation, au prix tou­te­fois d’une grande quan­ti­té d’énergie.

                  

                       

                      


Notes et références


De l’irréversibilité des phénomènes

[1] KLEIN Etienne, Faut-il dis­tin­guer cours du temps et flèche du temps ?, p.9
[2] KLEIN Etienne, Le temps, son cours et sa flèche, L’université de tous les savoirs, confé­rence n°188, 6 juillet 2000 [vidéo]
[3] KLEIN Etienne, Faut-il dis­tin­guer cours du temps et flèche du temps ?, op.cit., p.10


La mémoire plutôt que le temps

[4] HARAMEIN Nassim (2015, 20 juin), L’univers connec­té [vidéo]
[5]  Puisqu’on parle davan­tage de mémoire que de temps, il est plus juste de par­ler d’espace-mémoire plu­tôt que d’espace-temps.
[6] La notion de feed-back a notam­ment été abor­dée dans la sec­tion Les sys­tèmes chao­tiques dans l’univers connec­té de l’article 2.
[7] Voir la dyna­mique héli­coï­dale du sys­tème solaire : les pla­nètes et étoiles ne repassent jamais par les mêmes coor­don­nées, car elles se déplacent en spi­rale autour du soleil selon le modèle de Nassim Haramein.
[8] Le prin­cipe holo­gra­phique sera déve­lop­pé dans le pro­chain article Gravité, entro­pie et auto-organisation. Vous pou­vez consul­ter l’article « L’univers holo­gra­phique : l’unité sous-jacente ».
[9] « Une pro­prié­té émer­gente est une carac­té­ris­tique impré­vi­sible (ou au moins invi­sible) au niveau local et qui appa­raît au niveau glo­bal. Elle résulte de l’ac­ti­vi­té col­lec­tive des consti­tuants du sys­tème ». ZWIRN Hervé, Les sys­tèmes com­plexes, Paris, Editions Odile Jacob, 2006, p.35
[10] PRIGIGINE Ilya cité par Etienne KLEIN, Faut-il dis­tin­guer cours du temps et flèche du temps ? , op.cit., p.11
[11] PRIGOGINE Ilya, La fin des cer­ti­tudes, Paris, édi­tions Odile Jacob, 1996

La complexité plutôt que le chaos

[12] Nous ver­rons dans le pro­chain article que l’on peut éga­le­ment, et entre autres, abor­der l’entropie sous l’angle de l’information.
[13] L’agitation ther­mique, ou agi­ta­tion micro­sco­pique des molé­cules et des atomes est, elle, mesu­rée par la tem­pé­ra­ture.
[14] PRIGOGINE Ilya, La Fin des cer­ti­tudes, op.cit., p.133
[15] Un ané­vrisme est une dila­tion de la paroi d’une artère qui entraîne la créa­tion d’une poche à l’intérieur de laquelle le sang change de com­por­te­ment. Lire éga­le­ment la sec­tion consa­crée à l’ané­vrisme en tant que sys­tème chao­tique dans l’article 2.
[16] Le concept de réso­nance a déjà été abor­dé dans l’article 1 « Les sys­tèmes chao­tiques » et sera éga­le­ment détaillé dans l’article 4 Gravité, entro­pie et auto-organisation.
[17] Dans son livre What is Life ?, Londres : Cambridge University Press, 1944
[18] On trouve par­fois le terme de « syn­tro­pie » pro­po­sé par L. Fantappie en 1944, qui n’a pas été retenu.

 




4 thoughts on “L’effet papillon 3/5

  1. La matière dont nous sommes com­po­sés n’est rien d’autre que de la conscience. La conscience (de même que l’in­cons­cient) ne vit pas dans le temps, la conscience expé­ri­mente des évé­ne­ments dans l’ins­tant pré­sent et éven­tuel­le­ment dans l’in­car­na­tion. C’est le men­tal qui est atta­ché au temps. Cependant il n’est pas oppo­sé à la conscience, il est sou­te­nu par elle, mais par­fois il se prend un peu trop pour elle 😉
    La phy­sique clas­sique a lié les notions de temps et d’es­pace, mais dans la sagesse her­mé­tique par exemple, la 4e dimen­sion de l’u­ni­vers n’est pas le temps mais la vibra­tion.

  2. mer­ci pour cet autre partage
    si la matière dont nous sommes com­po­sés ne se « mou­vait » pas (« degra­da­tion » de notre corps), aurions-nous une autre concep­tion du temps ?

    n’est-ce pas notre conscience de ce mou­ve­ment qui est la source de ce concept de « temps humain », bien néces­saire pour nous syn­chro­ni­ser, nous interconnecter

    Au niveau de l’in­cons­cient, il n’y a pas de corporalité/matiere,
    L’inconscient ne connai­trait pas le temps ?
    Je pense que je vais cher­cher sur la rela­tion inconscient-entropie

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