Le libre-arbitre existe-t-il ?
23 AVRIL 2019 (mis à jour le 9 juin 2023)
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Le libre-arbitre existe-t-il ? Voilà un questionnement profond. Selon moi, il implique de se demander avant tout s’il existe une distinction entre choix et libre-arbitre. Et il suscite également une interrogation quant aux liens qui sous-tendent la conscience et le libre-arbitre. Autant de repères qu’il peut être utile d’avoir pour mieux naviguer sur ce plan d’existence !
Choix ou libre-arbitre?
Si on reformule la question du libre-arbitre de manière personnelle – « ai-je le libre-arbitre ? » – l’auteur est vite démasqué. C’est l’ego, le « je » individuel qui, évoluant dans la séparation, veut faire ce que bon lui semble. Est-il seulement en mesure de faire un choix ? Dans le monde des pensées, oui. Il n’a que l’embarras du choix. Le philosophe indien Jiddu Krishnamurti nous enseigne que :
« Le choix est l’essence même du mouvement de la pensée. »
JIDDU KHRISNAMURTI [1]
Qui dit « ego », « moi », « je » individuel, dit dynamique du mental, mouvement de la pensée… et donc choix. Le mouvement de la pensée, parce qu’il fait partie du mouvement de l’univers, repose sur la polarité [2] et donc sur un choix entre plusieurs possibilités.
Mais avoir le choix, est-ce pour autant avoir le libre-arbitre, et surtout, les moyens de l’exercer ? Voilà un tout autre questionnement.
Commençons par une simple définition. On admet couramment que le libre-arbitre est la capacité dont dispose la volonté d’effectuer un choix librement, sans qu’elle subisse d’influence extérieure, sans autre cause qu’elle-même. Une telle conception implique que le libre-arbitre s’oppose au déterminisme.
Déterminisme ou libre-arbitre ?
C’est ainsi que « « se déterminer à » ou « être déterminé par » illustrent l’enjeu de l’antinomie du libre-arbitre d’un côté, ou de la « nécessité » et du destin de l’autre » [3].
Si, comme nous l’enseigne le philosophe Michel Bitbol, l’état cognitif et l’état du monde sont indéterminés jusqu’à ce qu’ils entrent en relation et si, comme nous l’enseigne le physicien Nassim Haramein, nous vivons dans un univers fractal où la partie déterministe et la partie non déterministe sont légitimes et justifiées, il en résulte que le déterminisme n’est pas continuellement à l’œuvre dans l’univers.
Cela pose alors une nouvelle question : le libre-arbitre peut-il à juste titre être opposé au déterminisme ? Ne devrait-on pas plutôt envisager qu’ils sont complémentaires ? Dans ce cas, le libre-arbitre, s’il existe, pourrait être l’outil permettant à la cognition de se déterminer lorsqu’elle rencontre une situation. Cela nous amène à élargir notre conscience du déterminisme, du libre-arbitre et de leur relation. Et finalement à envisager qu’en fonction du plan de conscience considéré, la réponse à la question « ai-je le libre-arbitre ? » sera différente.
Libre-arbitre et conscience
La conscience est absorbée par le mental : je crois que j’ai le libre-arbitre
Si je vivais une vie exclusivement axée sur le mental, mon libre-arbitre serait absolument inexistant. Mon schéma général de pensée serait déterministe. Au mieux je considèrerais que tout ce qui sort de ce schéma relève du hasard ou de l’irrationnel, au pire je l’ignorerais purement et simplement. Je réagirais selon des schémas de pensée et des schémas émotionnels inconscients. Je n’aurais en fait aucune conscience de ce qui me pousse effectivement à penser et à agir. N’en ayant pas conscience, je pourrais auto-légitimer ma croyance que j’ai le libre-arbitre. L’ego n’aime-t-il pas penser qu’il est maître de son destin ?
Finalement, il y aurait une très grande différence d’appréciation entre ma croyance et ce qui se joue vraiment. Et une telle différence devrait me faire envisager que tant que je ne parviens pas à m’extraire de ce plan de conscience, tant que je suis à la merci de mon mental, je suis manipulable. Jusqu’à penser que j’ai le libre-arbitre.
La conscience émerge et pose la question : ai-je le libre-arbitre ?
La seule manière d’en arriver à prendre conscience que le mental n’est pas une fin en soi… c’est précisément que la conscience émerge. Et réalise que ce qu’elle prenait pour le libre-arbitre n’était qu’une illusion. Mais à quelle condition la conscience peut-elle émerger ? En me basant sur mon expérience, je dirais que la conscience ne peut émerger que spontanément, c’est-à-dire sans intervention de la volonté. Bien que la volonté – parce qu’elle dépend de notre niveau de croyance, qui augmente avec notre compréhension de la manière dont l’univers fonctionne – puisse préparer les conditions d’émergence de la conscience.
Une fois que la conscience a émergé, une brèche dans le processus déterministe mental a été créée. Un rayon de conscience est apparu… et avec lui un nouveau questionnement : si le libre-arbitre n’existe pas sur le plan du mental, peut-il néanmoins exister à un autre niveau ? Le décalage créé par l’émergence de la conscience amène en effet à ce questionnement. Parce qu’en émergeant, la conscience prend conscience d’elle-même. Elle prend conscience que le plan mental – qu’elle peut maintenant observer – n’est pour elle qu’un support de manifestation. Un support limité.
Ainsi, elle prend conscience que s’extraire du plan mental revient à ne plus être soumise au déterminisme qui le caractérise. Son désir pourra alors être de s’extraire de plus en plus souvent de ce plan. Autrement dit, en tant que conscience individuelle, je pourrais choisir d’inviter davantage de conscience dans ma vie. Ayant ainsi la possibilité de me libérer du plan mental, je pourrais penser que j’exerce mon libre-arbitre. Ce serait cependant ignorer que tout évolue dans l’interdépendance…
J'évolue dans un univers où tout est connecté : je n'ai pas le libre-arbitre
Lorsque ma conscience individuelle réalise que toutes les consciences individuelles dépendent les unes des autres, un nouveau questionnement fait surface : si nous vivons dans un univers où tout est connecté, si la séparation est une illusion, quelle est la valeur du libre-arbitre ? N’est-il pas lui-même une illusion ? Car comment la volonté peut-elle effectuer un choix librement, sans qu’elle subisse d’influence extérieure, si tout dépend de tout ?
Vivre dans un univers connecté implique que l’expérience de l’univers, à chaque instant, passe par l’expérience de chacun des points de conscience qui le compose à toutes les échelles. Puisque nous faisons partie de cette expérience, nous sommes liés à toutes les autres expériences qui se déroulent dans l’univers. Que nous en ayons conscience ou non.
Il nous est impossible de nous extraire de l’expérience de l’univers et dire « j’ai le libre-arbitre ». Parce que les conditions de manifestation de notre soi-disant libre-arbitre et l’expérience de l’univers à travers chaque point de conscience qui le constitue apparaissent à chaque instant en dépendance. De ce point de vue, le libre-arbitre est encore une illusion puisque nos décisions ne peuvent en aucun cas être liées à notre seule intention.
J'accède à la présence : je suis le libre-arbitre
Toutefois, si de notre point de vue individuel, le libre-arbitre est une illusion, il en va autrement du point de vue de la conscience elle-même. En effet, qu’elle émerge ou pas, elle n’a pas besoin de l’ego. Elle apparaît simplement, elle se manifeste à travers nous. Ce qui signifie que si nous nous identifions à cette conscience, cette intelligence universelle – que nous sommes ultimement – alors nous pouvons dire que nous sommes le libre-arbitre. Cependant nous ne pouvons en faire l’expérience en tant qu’être humain que via la séparation induite par le mental.
Toute conception du libre-arbitre en dehors de la présence est une illusion. Il s’agit juste du mental qui, dans son inconscience, usurpe le libre-arbitre. Celui-ci sera alors vécu comme une réalité et nous vivrons notre vie en pensant faire des choix alors qu’il n’en est rien.
Si nous avons conscience de tout ce processus, nous comprendrons deux choses. Premièrement, lorsque nous faisons un choix – même conscient – nous ne pouvons le vivre qu’à travers le mental : lui seul permet in fine de le formuler, donnant ainsi l’impulsion nécessaire à sa manifestation dans l’expérience humaine. Deuxièmement, lorsque nous faisons ce choix, nous ne pouvons passer au travers de toutes les influences mentales conscientes et inconscientes liées à ce choix qu’en accédant à notre cœur [4], à la présence, au point d’immobilité, là où tous les mouvements de la pensée sont suspendus. C’est ce qui m’est arrivé, ce qui m’a permis de faire un choix véritable pour la suite de mon évolution.
Le point de vue de Nassim Haramein
« Le libre-arbitre est seulement un phénomène local. Localement, vous avez votre libre-arbitre ; vous pouvez interpréter les choses autour de vous comme vous le voulez. Mais, il existe aussi des échelles plus grandes que la vôtre qui font la même chose. Et vous êtes influencé par ces plus grandes échelles de la création. Si vous vous écartez trop de votre chemin, ces plus grandes échelles vont faire en sorte que vous y reveniez. Car il existe un système de « sauvegarde » de l’univers. Pour que les choses puissent toujours aller vers plus de cohérence et pour empêcher qu’une chose puisse tout à coup tout détruire.
Imaginons que vous croyiez en la réincarnation ; vous vous tirez une balle dans le pied, ça fait mal, vous en mourrez… peu importe. Vous revenez, vous le refaites encore… damn ! Je l’ai encore fait ! Ok. Vous revenez. A un moment donné, vous comprenez que vous tirer une balle dans le pied n’est pas le meilleur moyen pour être heureux. L’univers vous amènera toujours vers plus de cohérence.
Et en fait on peut même le voir dans nos équations. Peu importe que notre physique s’éloigne de plus en plus de la réalité, qu’il faille ajouter un nombre infini de dimensions, à la fin, nous ne pouvons pas nous séparer de la vérité. Car la vérité est là. Même si on ne la comprend pas. Même si elle n’est pas complète dans nos équations. Le mécanisme de l’univers nous amène toujours vers plus de cohérence. »
NASSIM HARAMEIN [5]
Alors libre-arbitre ou pas ?
Tout dépend du point de vue. Une chose est sûre, la connexion universelle, tout comme l’immobilité, ne sont pas de simples vues de l’esprit ou concepts philosophiques pour Nassim Haramein. Il s’agit d’une réalité physique. Il s’agit de la dynamique de notre univers.
Notes & références
[1] KRISHNAMURTI Jiddu, Les limites de la pensée, Paris : Le livre de poche, 2006, p.115
[2] Voir l’article sur le principe de polarité pour en savoir plus.
[3] WIKIPEDIA. Libre arbitre
[4] Voir l’article sur le principe de rythme pour en savoir plus sur la relation entre le cœur et l’immobilité.
[5] HARAMEIN Nassim, cité par International Space Federation FR
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