L'univers holographique : l'unité sous-jacente
16 FEVRIER 2019 (mis à jour le 14 mars 2023)
« Vous n’êtes pas une goutte d’eau dans l’océan, vous êtes l’océan dans une goutte d’eau. » [1]
Table des matières
« Je crois que ma vie en physique se divise en trois périodes (…). J’ai d’abord cru que tout était fait de particules (…). Ensuite, que tout était fait de champs (…). Finalement, mon impression est que tout est fait d’information. »
JOHN ARCHIBALD WHEELER [2]
Le principe holographique
Tout est information
Imaginez que vous vouliez acheter une maison. Une des premières choses que vous allez faire est sans doute d’établir une liste de critères de sélection. Des critères objectifs – comme peut-être la surface, le prix, l’emplacement etc. – à partir desquels vous sélectionnerez les maisons à visiter. Au fur et à mesure de vos visites, si vous laissez de côté ces critères un moment pour être simplement attentifs à la manière dont vous vous sentez à l’intérieur de chaque maison, vous remarquerez probablement des différences. Elles pourront peut-être aller d’un sentiment de sécurité ou de bien-être à un inconfort plus ou moins prononcé. Et a priori, vous n’aurez aucune explication rationnelle à ces ressentis.
D’ailleurs, c’est peut-être la raison pour laquelle vous accorderez davantage d’importance aux critères objectifs. Après tout, contrairement aux ressentis, ils sont tangibles et directement observables. Ce serait cependant sous-estimer les informations que vous envoie votre fort intérieur. Si telle était néanmoins votre démarche, cela ne changerait rien au fait que, sur le plan de l’information, l’ensemble de ces données – les critères objectifs et la manière dont vous vous sentez – ont la même valeur. C’est-à-dire : qu’elles proviennent d’une sensation intérieure ou de votre interprétation de l’extérieur, ces données sont simplement des informations.
Avant d’être une maison telle que vous la voyez, celle-ci a été pensée, puis architecte et futurs propriétaires en ont discuté, et enfin des ouvriers l’ont façonnée. Toutes les informations qui émanent de la maison telle que vous la voyez ont donc à un moment ou un autre été « projetées de l’intérieur vers l’extérieur », si tant est qu’une telle distinction existe [3]. Celles qui n’auraient pas connu ce sort n’en resteraient pas moins des informations. Simplement elles ne seraient pas visibles, elles n’auraient pas été manifestées de façon tangible.
Mémoire et résonance
Pensées, paroles et actions constituent l’ensemble des événements qui se sont produits dans cette maison depuis qu’elle existe. Elles ont contribué à la façonner telle que vous la voyez, et telle qu’éventuellement vous la ressentez. Ils peuvent également être assimilés à de l’information. Il y a plus d’information à l’intérieur d’une pièce que sur ses murs, puisque, d’un point de vue physique, il y a plus d’espace – de particules, en fait – dans un volume que sur la surface qui le contient.
Cependant, il existe en physique un principe, appelé principe holographique. Que nous apprend-il ? Que toute l’information contenue dans un volume est stockée sur la surface qui le contient, à concurrence du quart de cette surface. Un peu comme lorsqu’on enregistre sur la surface d’un CD la musique produite par tout un orchestre. Le CD contient l’information relative à la musique produite mais bien sûr pas l’orchestre en lui-même. Ainsi toute l’information d’une pièce est stockée sur ses murs, sol et plafond de manière holographique. Ou, dit autrement, toute surface garde la mémoire des événements qui se sont déroulés dans le volume qu’elle contient. L’information relative à ces événements étant projetée holographiquement sur la surface.
C’est la raison pour laquelle, suivant la relation qui va s’établir entre l’information stockée sur les murs d’une pièce et vous, vous pourrez avoir autant de sensations différentes que de maisons que vous visitez. Vous allez entrer en résonance – ou pas – avec certaines informations, en fonction de votre histoire personnelle. Chacun de nous étant unique, nous entrerons en résonance avec des informations plus ou moins différentes. Une personne comme Madeleine (voir Mon histoire) pourra quant à elle « récupérer » de l’information juste en passant la main sur les murs de la maison. Elle aura ainsi connaissance d’événements qui s’y sont déroulés.
Qu’est-ce qu’un hologramme ?
Le principe holographique doit son nom à une analogie avec l’holographie. Celle-ci a été découverte en 1948 par le physicien hongrois Dennis Gabor et lui a valu le prix Nobel de Physique en 1971. L’holographie est un procédé physique qui permet d’enregistrer sur une surface – grâce à un type de lumière spécifique, le laser – les informations concernant le volume d’un objet. Ces informations sont enregistrées sur une plaque holographique. Si elle est éclairée ultérieurement avec le même type de lumière, elle permettra alors de générer l’hologramme de l’objet, dont le volume sera projeté virtuellement dans l’espace.
L’ensemble des informations relatives à l’objet est intégralement enregistré en chaque point de la plaque holographique. C’est pourquoi si l’on brise cette surface même en milliards de morceaux, chaque morceau contiendra toujours – dans une version plus petite – l’image d’origine dans son intégralité. Autrement dit : le tout est engrammé dans la partie, et la partie est incluse dans le tout.
C’est le physicien Gerard’t Hooft qui est à l’origine du concept du principe holographique. Celui-ci s’applique aux trois noirs et on peut le définir de la façon suivante :
« Toutes les informations contenues dans le volume d’un trou noir peuvent être exprimées en termes d’information (…) sur l’horizon du trou noir [4], conservant ainsi l’information comme « empreinte holographique ». »
MARC MISTAIEN [5]
De façon intéressante, Nassim Haramein montre que l’univers n’est constitué que de trous noirs à différentes échelles (voir l’article L’univers fractal et holographique). On peut donc appliquer ce principe très largement et jusqu’à l’univers lui-même.
David Bohm, la science et la philosophie
David Bohm est l’un des premiers physiciens à avoir émis l’hypothèse d’un univers holographique. Au moment où j’ai pris connaissance de sa théorie, j’étais déjà bien engagée sur la voie de la physique. Je ne connaissais pourtant pas encore les travaux de Nassim Haramein, ni ceux du philosophe Michel Bitbol. Je pensais alors être partie à des années-lumière de la philosophie et de la spiritualité, qui avaient marqué le début de mon enquête sur la conscience. J’étais en fait très loin d’imaginer que David Bohm me conduirait tout droit à… Jiddu Krishnamurti. Et encore plus loin d’imaginer que les deux hommes avaient été amis.
En fait, c’est David Bohm qui m’a fait découvrir Krishnamurti. Autant dire que j’ai eu un choc. Je trouvais invraisemblable que les spécialistes de la physique relativiste et de la physique quantique n’arrivent pas à se mettre d’accord, mais qu’un physicien et un philosophe y parviennent. Et partagent une vision commune de la vie et de l’univers. Jusqu’à exposer leurs réflexions dans deux livres : Les Limites de la Pensée [6] et Le Temps aboli [7].
Puis j’ai découvert qu’Eckhart Tolle a été beaucoup inspiré par Krishnamurti. J’ai alors soudain eu l’étrange sensation d’avoir avancé dans mon exploration de la conscience sans pour autant avoir quitté mon point de départ. Ou, mieux, j’étais revenue à mon point de départ en ayant changé. Comme le fait finalement l’univers au cours de son processus d’apprentissage [8]. J’ai mis un certain temps à me remettre de cette découverte. Avec toutes les raisons de m’intéresser particulièrement à la théorie de l’univers holographique.
L’ordre implié et l’ordre explié
« Je n’ai jamais été capable de voir une séparation entre la science et la philosophie. »
DAVID BOHM [9]
Cette déclaration de David Bohm, qui a effectué d’importantes contributions en physique quantique, physique théorique et philosophie, constitue le socle sur lequel il a construit sa théorie. Pour ce scientifique qui a collaboré avec Einstein, il n’y a tout simplement pas de séparation entre la conscience et la matière. Il n’existe qu’un semblant de séparation entre les deux.
Concrètement, David Bohm considérait que la réalité telle que nous l’appréhendons avec nos sens ou autres instruments de mesure n’est qu’une expression d’un autre niveau de réalité. Un niveau sous-jacent. Il parlait ainsi d’ordre explié (ou explicite) et d’ordre implié (ou implicite) de la réalité.
Un échange perpétuel
Dans l’ordre explié, les formes nous apparaissent comme séparées les unes des autres. Mais ceci n’est qu’une perception erronée de l’ordre implié – d’où ces formes sont extraites – et dans lequel tout est uni, en perpétuel échange avec lui-même et donc en perpétuelle mise à jour. Tout dans l’univers passerait constamment de l’implié à l’explié. Plus précisément, toute représentation dans l’ordre explié serait une expression holographique de l’ordre implié. Ce flux, appelé holomouvement, expliquerait la relation entre la matière et la conscience… par un feedback continu entre les deux. David Bohm disait que :
« Ce qui est impliqué ici, c’est que même ce « nouveau tout » se révélera lui-même comme un aspect d’un autre « nouveau tout » plus tard. L’holonomie ne doit pas être considérée comme le but fixe et final de la recherche scientifique, mais plutôt comme un mouvement dans lequel « des nouveaux touts » sont continuellement en train de se manifester. »
DAVID BOHM [10]
Pour expliquer l’ordre implié, David Bohm utilisait trois analogies :
Le poisson d'aquarium filmé sous 2 angles différents
L’idée de cette expérience était de montrer que deux choses peuvent nous apparaître comme séparées simplement parce que nous les observons de deux points de vue différents. Ainsi si nous regardons deux écrans vidéo, sur chacun desquels apparaît le même poisson filmé simultanément sous deux angles distincts, nous pouvons penser qu’il s’agit de deux poissons différents. Toutefois, après une observation attentive des mouvements « des » poissons, nous prendrons conscience qu’il s’agit d’un seul et même poisson. Ainsi, la séparation n’était due qu’à une perception erronée d’un phénomène unifié.
La goutte insoluble d'encre diluée dans la glycérine
Cette expérience mettait en scène une boite pourvue d’une manivelle et contenant de la glycérine et une goutte d’encre. Lorsqu’on tournait la manivelle, on pouvait voir la goutte s’étirer jusqu’à disparaître. Mais si l’on inversait le mouvement, alors un filet d’encre commençait à se reformer jusqu’à redevenir la goutte d’origine. Ainsi l’encre, dans son état explié (diluée dans la glycérine), conservait un ordre implié (contenue dans une goutte). Un ordre susceptible de se manifester à nouveau.
L'hologramme
Pour David Bohm, l’ordre implié se comporterait comme un hologramme géant, un Tout distribué et pourtant indivisible. Pourquoi ? Parce que chaque fragment qui en serait extrait contiendrait toujours la totalité de l’information d’origine. Toute forme de séparation ne serait donc qu’un leurre, dû au point de vue limité de l’observateur. A un niveau de réalité plus profond – l’ordre implié – tout serait en fait lié.
Cerveau et hologramme
Peu de temps avant que David Bohm ne propose sa vision holographique de l’univers une autre théorie reposant sur l’holographie fut développée dans un tout autre domaine. En 1969, le physiologiste autrichien Karl Pribram émit une hypothèse fascinante : le cerveau utiliserait des modèles holographiques dans ses processus de perception et de restitution de son environnement. De façon presque amusante, on peut d’ailleurs voir dans la manière dont se sont manifestées ces deux théories une application concrète du concept holographique. En effet, celui-ci sous-tend qu’un changement survenant dans un domaine devienne immédiatement et implicitement disponible partout ailleurs. Et soit donc susceptible de se manifester dans un autre domaine.
Une mémoire non-localisée
Pionnier de la recherche sur le cortex cérébral, Karl Pribram a beaucoup œuvré dans le domaine de la mémoire. Ses travaux l’ont conduit à passer d’une conception mécaniste de la mémoire, selon laquelle certains types de souvenirs sont emmagasinés à des endroits précis dans le cerveau, à une mémoire non-localisée, qui ne repose donc pas sur ce type de correspondances. Afin d’élaborer sa théorie, il s’est appuyé sur les travaux de Dennis Gabor. Pour créer les premiers hologrammes, celui-ci a utilisé une série complexe d’équations. Celles-ci sont connues sous l’appellation de transformées de Fourier, et doivent leur nom au mathématicien et physicien français du XVIIIe siècle Joseph Fourier.
Selon Karl Pribram, le cerveau convertirait des fréquences en objets de notre réalité, ainsi qu’il l’explique :
« Différentes cellules du cerveau réagissent à des fréquences différentes et le cerveau fonctionne comme un analyseur de fréquences décomposant des schèmes de fréquences complexes en leurs éléments, fréquences qui sont ensuite converties en « objets » de la « réalité physique » par un processus analogue à l’éclairage d’un schème d’interférences par un rayon laser. »
KARL PRIBRAM [11]
Hologrammes et fractales
Cette analyse des schèmes d’interférences est mathématique, et dépend du théorème de Fourier. Celui-ci énonce que n’importe quel signal périodique non-sinusoïdal peut être considéré comme la somme d’une infinité d’ondes sinusoïdales d’amplitudes et fréquences différentes. Ces ondes sont appelées harmoniques du signal d’origine car elles ont pour particularité d’être des multiples de la fréquence de ce signal.
Ainsi, par exemple, un signal de fréquence 10 Hz est composé d’une onde de fréquence 10 Hz, elle-même composée d’une onde de fréquence 20 Hz, elle-même composée d’une onde de fréquence 30 Hz etc. L’harmonique correspondant à la même fréquence que le signal d’origine est appelée premier harmonique ou harmonique fondamental. Les suivantes sont appelées deuxième harmonique (deux fois la fréquence fondamentale), troisième harmonique (trois fois la fréquence fondamentale) et ainsi de suite. Autrement dit, les transformées de Fourier sont des fractales, dont l’analyse permet la décomposition et la reconstruction d’un signal sans perte d’information.
Les engrammes
Karl Pribram a mis en lien ces travaux avec une autre découverte : celle de John Eccles, connu pour ses travaux sur la synapse et prix Nobel de Médecine en 1963. Ce neurophysiologiste australien a mis en évidence la propagation très localisée d’ondes électriques autour de chacune des milliers de synapses de chacun des neurones du cerveau. L’idée de Karl Pribram était alors de considérer que les milliards d’ondes générées dans le cerveau formaient des hologrammes. Et que ceux-ci pouvaient servir de support biophysique aux processus de la pensée et de la mémoire.
Il a d’ailleurs apporté une large contribution à la recherche sur les engrammes, c’est-à-dire « [les] empreinte[s] laissée[s] dans le cerveau ou le système nerveux par quelque événement et susceptible d’être réactivé[es] par une stimulation appropriée » [12]. Pour lui, en somme, un hologramme serait une mise en mémoire sous forme vibratoire. Ce qui revient à parler de principe holographique et, comme dans l’analogie de la maison, de l’information stockée sur les murs des pièces.
Je vous invite maintenant à découvrir le troisième et dernier volet de notre voyage de la dualité à l’unité : L’unité, de l’ether à l’espace.
Pour en savoir plus sur la résonance et le principe holographique, vous pouvez également consulter l’article Gravité, entropie et auto-organisation.
Points clés
- Toute surface garde la mémoire des événements qui se sont déroulés dans le volume qu’elle contient (principe holographique).
- Le principe holographique s’applique aux trois noirs. Il s’applique donc très largement selon la théorie de Nassim Haramein qui considère que l’univers n’est constitué que de trous noirs à différentes échelles.
- Le cerveau utiliserait des modèles holographiques dans ses processus de perception et de restitution de son environnement.
Notes & références
[1] Jalal al Din Rumi, Mystical Poems of Rumi, University of Chicago Press, 2009, traduction libre
[2] WHEELER John Archibald, Geons, Black Holes & Quantum Foam – A Life in Physics, New York : W. W. Norton & Company, 2000 (nouvelle édition), p.63, traduction libre
[3] Voir à ce sujet le premier article de cette série : L’objectivité, angle mort de la science
[4] L’horizon des événements est la limite au-delà de laquelle l’attraction du trou noir est considérée comme irréversible.
[5] MISTAIEN Marc. (2013, nov./déc.). Et si Nassim Haramein avait raison, In : Nexus n°89, p.28
[6] KRISHNAMURTI Jiddu et BOHM David, Les limites de la pensée, Paris : Le livre de poche, 2006
[7] KRISHNAMURTI Jiddu et BOHM David, Le temps aboli, Monaco : Editions du Rocher, 1989
[8] Voir également à ce sujet l’article Comment apprend-on ?
[9] BOHM David et PEAT David, Science, order, and creativity, Taylor & Francis e-Library, 2010, introduction p.Xi, traduction libre
[10] BOHM David, La plénitude de l’univers, Monaco : Editions du Rocher, 1987, p.167
[11] PRIBRAM Karl, cité par DUTHEIL Brigitte, L’univers superlumineux, Paris : Ed. Sand, 1994, p.127
[12] WIKTIONARY. Engramme
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2 commentaires à propos de “L’univers holographique : l’unité sous-jacente”
il ne s’agit pas de « trois noirs » mais de trous noirs je suppose?
Oui, en effet, merci de votre vigilance, c’est corrigé !