L'univers est-il déterministe ? 1/2
30 DÉCEMBRE 2018 (mis à jour le 5 octobre 2023)
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Selon les lois de la physique classique, le déterminisme implique que tout événement se produise en fonction de l’enchaînement des événements qui l’ont précédé. Le déterminisme ne laisse place à aucun choix, la conséquence étant dépendante, complémentaire et inéluctable de la cause.
On peut cependant ne pas toujours avoir conscience du principe de causalité à l’œuvre. C’est le cas lorsque nous ne distinguons pas toutes les causes qui ont engendré un effet. Ou lorsque le temps qui s’écoule entre une cause et son effet est si long que nous ne percevons pas le lien entre les deux. Le cas d’une rupture d’anévrisme [1] est intéressant à observer de ce point de vue. C’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article !
Conscience et déterminisme
Une rupture d’anévrisme est l’illustration même d’un événement dont la cause existe mais reste inaccessible jusqu’à ce qu’une manifestation physique perceptible se produise – par exemple un mal de tête dû à l’hémorragie – et qu’un scanner en détermine l’origine. L’hémorragie est aussi soudaine que le temps entre la formation de l’anévrisme et sa rupture peut être long.
Ainsi, à moins qu’un examen antérieur n’en ait révélé l’existence, l’information « anévrisme » peut rester inconsciente très longtemps. Elle n’arrivera malheureusement au niveau conscient qu’au moment où il se rompt. Si, à ce moment-là, un scanner établit alors immédiatement la relation de cause à effet, en amont de la chaîne des événements, on s’aperçoit que la causalité est moins évidente à déterminer.

Selon le neurochirurgien qui s’est occupé de moi, la médecine ne peut pas à l’heure actuelle expliquer pourquoi un anévrisme se forme, ni pourquoi il se rompt… ou pas. Surtout en ce qui concerne les personnes qui, comme moi, ne font état d’aucun facteur aggravant. Nous ne pouvons donc pas associer de cause à ces événements. Est-ce pour autant qu’ils sont acausaux ?
Deux illusions nous guettent ici. La première consiste à dire que ces événements sans cause apparente sortent purement et simplement du cadre déterministe. Sans faire de distinction entre « il n’y a pas de cause » et « il y a une cause mais ma conscience n’y a pas accès ». La seconde consiste à dire que quoi qu’il arrive, tout est soumis uniquement au déterminisme. Dans ce cas, peu importe que ma conscience ait accès ou pas à la cause, le principe de causalité s’applique en toutes circonstances.
Serait-ce en fait notre état de conscience – ou d’inconscience – qui modifierait notre perception du déterminisme ?
Un déterminisme en trompe l’œil

Selon le philosophe des sciences Michel Bitbol, l’état cognitif du cerveau et l’état du monde sont indéterminés jusqu’à ce qu’ils entrent en relation. Il existe une codétermination de l’un par l’autre. Tout comme en physique quantique les objets n’ont pas de propriétés ondulatoires ou corpusculaires intrinsèques [2], mais révèlent l’un ou l’autre de ces états en relation avec le contexte de la mesure :
« Les comportements propres [qui nous amènent à adopter des conduites bien déterminées] dépendent de l’interaction avec le monde, ils ne sont pas pré-codés de quelque façon que ce soit dans la dynamique du cerveau et de la cognition. »
MICHEL BITBOL [3]
Autrement dit, la cognition ne fonctionne pas comme un algorithme. Pour le philosophe, la puissance de l’analogie avec la physique quantique réside dans cet enseignement : tout est dans un état de superposition, de non détermination initiale.
Au contraire, les modèles standards du cognitivisme considèrent que tout est déjà encodé. Et dans ce cas, seules cette programmation, cette prédétermination, cette mémoire du cerveau pourront être révélées dans telle ou telle situation. C’est d’ailleurs sur ce modèle que fonctionne l’intelligence artificielle. Il n’y a rien d’étonnant à cela : l’homme reproduit simplement ce qu’il connaît. Cependant, pour rivaliser avec la cognition humaine, il faudrait que les robots accède à l’encodage de « toutes les informations nécessaires pour répondre à toutes les situations infiniment variées que l’on peut rencontrer dans un monde concret » [4] précise Michel Bitbol.
Selon lui, la différence entre un ordinateur et notre cognition tient au fait que l’ordinateur ne pourra jamais se conformer qu’à des données prédéterminées là où la cognition humaine ne se détermine qu’au moment où elle rencontre une situation. Alors « quelque chose cristallise et on exprime une certaine disposition à agir qui n’était pas actualisée jusque-là » [5] ajoute-t-il.
Cognition humaine : 1 – Intelligence artificielle : 0
Voyons si ce point de vue est encore pertinent dans la théorie du champ unifié. Selon Nassim Haramein, il existe un système vivant et dynamique qui encode à chaque instant chaque quantité élémentaire d’information : l’univers. Par l’intelligence artificielle, l’homme reproduirait donc la manière dont l’univers apprend… sans pour autant avoir forcément conscience de son acte.
L’objectif du projet « Million Object Challenge » [6], par exemple, est de partager dans un « cloud » accessible à tous les robots participants les apprentissages de chacun. Ainsi, tous bénéficient en temps réel des découvertes des autres. Si le cloud est aux robots ce que le vide quantique est à chaque point de conscience qui compose l’univers, la comparaison avec l’intelligence artificielle s’arrête là. Parce que les robots n’utilisent qu’une quantité infiniment restreinte d’informations pour interagir : celles provenant du monde mécaniste et non pas toutes celles issues du vide quantique.

Les informations du vide quantique se répartissent aussi bien dans le champ de la conscience humaine que dans le champ de l’inconscient. Autrement dit, il y a beaucoup plus d’informations encodées dans le vide quantique qu’on ne pourra jamais en encoder dans un robot. Le robot ne peut être alimenté que par des informations du monde concret, c’est-à-dire de ce qui s’est un jour révélé à la conscience humaine. Il ne peut encoder que ce qui est révélé et ne peut révéler que ce qui est encodé.
On pourrait dire que c’est un système mécanique de conditionnement tandis que l’univers est un système vivant qui prend graduellement conscience de lui-même. A son échelle, l’être humain est relié aux champs conscient et inconscient du vide quantique. Bien qu’il utilise en général inconsciemment les informations qui s’y trouvent pour se déterminer, il aura toujours « une information d’avance » sur le robot, dont l’apprentissage est entièrement prédéterminé.
Tout est toujours en train de se déterminer

A principe d’encodage égal, l’être humain est donc très largement gagnant par rapport à la quantité d’informations dont il dispose, informations auxquelles il n’a cependant pas forcément accès. Et à principe d’encodage égal, il n’en est pas moins vrai que la cognition humaine ne se détermine qu’au moment où elle rencontre une situation. Parce qu’aucune de ces rencontres n’est jamais complètement semblable à une autre. Et ceci parce que l’être humain et l’univers, chacun à leur échelle, apprennent constamment sur eux-mêmes grâce au feedback d’information qui lie la matière et le vide [7].
Tout est toujours en train de se déterminer. Chaque nouvelle information fait basculer le système d’un état déterminé à un état non déterminé. Et chaque rencontre entre la cognition et la situation fait basculer le système d’un état non déterminé à un état déterminé. Ainsi, la boucle de rétroaction est comme une danse entre le non déterminisme et le déterminisme.
En fait, la physique unifiée décrite par Nassim Haramein rend obsolète la physique quantique telle que nous la connaissons. Plutôt, elle propose un modèle où le déterminisme a autant sa place que le non déterminisme, et ceci grâce aux fractales. Le physicien explique :
« Une équation fractale est une répétition d’une équation qui est déterministe, mais quand vous la répétez elle se convertit en une retro-alimentation ouverte jusqu’à l’infini de sorte que vous avez un comportement complètement non linéaire, non déterministe. Ainsi à partir d’une équation très déterministe vous obtenez un résultat non linéaire complexe, et vous justifiez les deux côtés de l’univers, la partie déterministe et la partie non déterministe. »
NASSIM HARAMEIN [8]
Elargir notre champ de conscience
Etant donné que notre mental est aux prises avec l’enchaînement passé-présent-futur des événements, sa tendance sera de nous faire penser l’univers de façon déterministe uniquement. Percevoir le côté non déterministe nécessite d’élargir notre champ de conscience.
De cette émancipation dépend notre capacité à accéder à une plus large part des informations contenues dans le vide quantique. Plus notre état de conscience est développé par rapport au mental, plus nous avons une chance de recevoir des informations justes, utiles et cohérentes. Et plus nous pouvons mettre à disposition des autres ce type d’informations, par l’intermédiaire du vide.
En retour, nous recevons des informations ayant interagi avec les autres informations présentes dans le champ quantique. Mais toujours en résonance [9] avec celles que nous avions envoyées au préalable.
Dans la deuxième partie de cet article, je vous propose d’une part de découvrir comment notre état de conscience va de pair avec notre capacité à décoder ces informations pour nous en servir. Et d’autre part, en me basant sur mon expérience, ce que j’ai pu observer de la dynamique entre l’encodage et le décodage des informations.
Points clés
- L’état cognitif du cerveau et l’état du monde sont indéterminés jusqu’à ce qu’ils entrent en relation.
- L’univers est toujours en train de se déterminer par une boucle de rétroaction continuelle entre le déterminisme et l’indéterminisme.
- L’univers est un système vivant qui prend graduellement conscience de lui-même.
Notes & références
[1] Lire Mon Histoire pour comprendre pourquoi j’ai choisi cet exemple improbable.
[2] Voir à ce sujet les articles A propos de la théorie quantique
[3] BITBOL Michel. (2015, 9 octobre). Notre pensée est-elle quantique ? France Culture, Science publique [podcast]
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Voir How robots can quickly teach each other to grasp new objects
[7] Voir l’article Gravité quantique et proton de Schwarzschild
[8] HARAMEIN Nassim, Nassim Haramein at Rogue Valley Metaphysical Library (1). Traduction disponible ici
[9] Voir également les articles sur l’effet papillon au sujet de la résonance.
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