Indéterminisme & intrication quantique
3 JANVIER 2019 (mis à jour le 15 février 2024)
Table des matières
Vous avez survécu à l’expérience du chat de Schrödinger revisitée ? La nouvelle interprétation de la « dualité » onde / particule n’a plus de secret pour vous ? Alors vous êtes prêt à poursuivre votre exploration de la physique quantique en découvrant l’indéterminisme et l’intrication sous un nouveau jour !
Selon l’interprétation classique, l’indéterminisme semble remettre en question le principe de causalité. Et l’intrication semble défier le principe de localité et la vitesse de la lumière. Pourtant, si l’on aborde ces principes sous l’angle de l’information et de l’interdépendance des phénomènes, ils sont interprétables simplement. C’est ce que nous allons découvrir dans cet article !
L’indéterminisme quantique, ou la causalité en question
L’indéterminisme découle de l’idée selon laquelle les événements, en physique quantique, n’ont pas de cause. Le principe d’incertitude formulé par le physicien Werner Heisenberg en 1927 en est l’illustration. Il énonce qu’il est impossible de déterminer avec précision et simultanéité la vitesse et la position d’un électron.
Heisenberg définit la causalité comme étant « la capacité de déduire la position d’une particule quand [on connaît] la position de cette même particule un instant avant » [1]. Si en physique classique on peut bien sûr appliquer le principe de causalité afin de prédire l’évolution d’un système à n’importe quel moment du temps, en physique quantique, cela n’est pas possible. Lorsque l’on veut connaître la position d’une particule, on doit élaborer un dispositif dans lequel on envoie un photon sur la particule. Au moment où le photon heurte la particule, la position du photon est révélée, et par conséquent celle de la particule.
Mais ce dispositif perturbe le système, le choc avec le photon projetant la particule à un endroit indéterminé et indéterminable. Il est donc impossible de reconstituer la trajectoire de la particule, puisque d’une mesure à l’autre on ne sait jamais où elle va se trouver. En fait, on ne peut même pas être certain que la particule ait une trajectoire entre deux observations.
L’apparition en dépendance des phénomènes
Si la perturbation du système nous empêche de connaître la position de la particule à l’instant précédent, cela revient à dire qu’il nous manque l’information qui nous permettrait d’appliquer le principe de causalité. Pourtant, « ce n’est pas que [nous devons] rejeter complètement l’idée que les événements ont des causes, mais seulement l’idée que [nous pouvons] appliquer le principe de causalité dans le but de prédire » [2] explique le philosophe des sciences Michel Bitbol. La seule chose que nous pouvons dire, c’est qu’il y a des phénomènes. Pour lesquels il est impossible de dissocier l’objet de l’acte d’observation.
Nous ne pouvons qu’établir une relation entre les deux, qui relève d’une apparition en dépendance. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de cause en physique quantique. En fait, pour Michel Bitbol :
« Il n’y a seulement aucune cause absolue, aucune cause intrinsèquement existante, mais il y a des causes qui sont relatives à l’acte même d’observation des phénomènes. Donc les phénomènes ne sont pas sans cause. Ils sont causés par l’ensemble des facteurs qui impliquent les appareils de mesure qui détectent les phénomènes. »
MICHEL BITBOL [3]
L’intrication quantique, ou la communication instantanée
Le terme « intrication » a été employé pour la première fois par Erwin Schrödinger en 1935, en réponse au paradoxe EPR mis en évidence par Albert Einstein, Boris Podolsky et Nathan Rosen.
Le paradoxe EPR
Pour comprendre le paradoxe EPR, il faut remonter au fondement de la théorie de la relativité générale d’Einstein, et en particulier au principe de localité. Ce principe énonce qu’un objet ne peut être influencé que par son environnement immédiat. Deux objets séparés par une grande distance ne peuvent donc théoriquement pas exercer d’influence l’un sur l’autre.
Le paradoxe EPR est une expérience de pensée (donc pas une démonstration) dont le but est de démontrer que la mécanique quantique est incomplète. Il prédit que des particules peuvent être dans des états corrélés – c’est-à-dire qu’il existe des corrélations dans les résultats de mesure – même si ces particules sont très éloignées.
C’est le phénomène d’intrication, aussi appelé non-localité. Deux particules intriquées ne peuvent pas être considérées comme indépendantes, et ce quelle que soit la distance qui les sépare. Ces particules forment un système unique. L’observation montre en effet que si l’on agit sur l’une des particules, cela a une répercussion instantanée sur l’autre. Ainsi une opération de mesure sera valable pour les deux particules, parce que leurs états quantiques dépendent l’un de l’autre.
Tout semble se passer comme si l’information était transmise instantanément – donc à une vitesse plus grande que celle de la lumière – d’une particule à l’autre. A priori il n’en est rien, car les états des particules sont coordonnées et ne permettent pas de transmettre une information.
Le physicien français Alain Aspect a le premier démontré l’intrication des particules, dans des expériences menées à partir de 1975 [4]. Aujourd’hui, l’intrication est considérée comme admise.
Alors comment expliquer l’intrication quantique ?
Selon la théorie de Nassim Haramein, l’information, lorsqu’elle apparaît en un point de l’univers, apparaît simultanément en chaque point. Et ce, parce que l’univers est holographique. En ce sens, effectivement, il n’y a aucune transmission d’information. Il y a juste une apparition en dépendance de l’information, en chaque point de l’univers.
D’après le physicien, l’intrication met en évidence la présence de trous de ver. Ce sont des sortes de raccourcis dans l’espace qui permettent à deux régions de communiquer indépendamment de la vitesse de la lumière. Il montre en fait que dans l’Univers holofractographique l’égalité ER = EPR théorisée par Juan Maldacena et Leonard Susskind est vérifiée.
Mais que signifie ER=EPR ? D’après ces deux physiciens, en effet, les trous de ver (ER, ou ponts d’Einstein-Rosen – illustration ci-contre) et l’intrication quantique (EPR) sont une seule et même chose [5]. Autrement dit, éloigner deux particules intriquées revient à former un trou de ver entre les deux.
Nassim Haramein parle quant à lui d’interdépendance de tous les protons présents dans l’univers. De son point de vue, il ne s’agit donc pas seulement de deux particules qui seraient d’une part dans un état intriqué et d’autre part indépendantes du reste des particules de l’univers. Pour lui, non seulement l’information circule entre deux protons connectés par un trou de ver, mais également entre deux protons connectés par l’intermédiaire de plusieurs protons et trous de vers. Ainsi existe-t-il une communication instantanée entre tous les protons présents dans l’univers. C’est pour cette raison qu’il a intitulé sa théorie « l’univers connecté ».
Qu’en est-il à l’échelle humaine ?
Qu’est-ce que ce questionnement et cette découverte ont à voir avec notre expérience quotidienne me direz-vous ? En tant qu’être humain, nous sommes constitués de cellules, elles-mêmes constitués d’atomes, eux-mêmes constitués de protons. Par conséquent nous faisons partie intégrante de la trame qui connecte tous les protons entre eux.
Je vous invite à découvrir l’article L’univers est-il déterministe ? pour poursuivre cette réflexion. La première partie de l’article traite du principe de causalité du point de vue non pas de l’indéterminisme, mais de son pendant, le déterminisme. Pour autant, il ne s’agit pas de considérer que l’indéterminisme est aux particules quantiques ce que le déterminisme est à notre vie quotidienne. Il s’agit, à la lumière de mon expérience, de l’éclairage de Michel Bitbol et de la théorie de l’univers connecté, de dépasser ce questionnement. Et pour ce faire, de montrer comment déterminisme et indéterminisme sont en fait complémentaires et agissent à toutes les échelles. La seconde partie de l’article met plus en évidence mon expérience personnelle en faisant apparaître en filigrane la trame qui nous connecte tous.
Points clés
- En physique quantique, les causes ne sont pas intrinsèques aux objets, elles dépendent de l’acte d’observation.
- Tous les protons sont intriqués dans l’univers : la communication est instantanée.
Notes & références
[1] HEISENBERG Werner, cité par BITBOL Michel (2013, 18 janvier), Dissiper les propriétés intrinsèques et l’existence intrinsèque, In : Fleurs du dharma, Mind and Life XXVI – Esprit, cerveau et matière, pp.9-10
[2] BITBOL Michel, Dissiper les propriétés intrinsèques et l’existence intrinsèque, op.cit., p.10
[3] Ibid., p.11
[4] ASPECT Alain. (1976, 15 octobre). Proposed experiment to test the nonseparability of quantum mechanics, Physical Review D, vol. 14, no 8
[5] MALDACENA Juan et SUSSKIND Leonard. (2013, 11 juillet). Cool horizons for entangled black holes.
Sur le même thème
2 commentaires à propos de “Indéterminisme & intrication quantique”
une bonne approche de l’objectivité (partir de la réalité supérieure pour comprendre les inférieures, saint Thomas d’Aquin) et de la subjectivité (importance de notre pratique du langage relevée par Bohr, travaux de Ransford) pour bien penser la réalité !
Merci pour votre commentaire, j’irai jeter un œil aux travaux de ces auteurs 😉