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Mise à jour : 7 février 2020

Du fini à l’infini 1/2

Mouvement et perception

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« Un mou­ve­ment ancré dans l’univers du réel peut-il jamais par­ve­nir à la véri­té ? » [1]

                 

Il y a quelques années, j’ai fait l’expérience d’une per­cep­tion du mou­ve­ment assez inha­bi­tuelle. C’était lors d’un vol en para­pente, une acti­vi­té à laquelle je me livrais pour la pre­mière fois. J’appréhendais beau­coup le décollage.

                

Une expérience entre perception et réalité du mouvement

Jusqu’ici tout va bien…

J’étais tota­le­ment foca­li­sée sur l’idée que j’allais sau­ter dans le vide. Et ce n’est pas rien de le dire parce qu’à l’époque, le vide était pour moi abso­lu­ment vide ! Toujours est-il qu’au moment de décol­ler, non seule­ment je ne pen­sais pas au vol en lui-même, mais j’étais très loin de pen­ser à l’atterrissage.

A mon grand sou­la­ge­ment, j’ai décou­vert qu’en para­pente on ne saute pas dans le vide. On court, on laisse le vent s’engouffrer dans la voile et on décolle sim­ple­ment en se lais­sant por­ter. Tranquillisée par ce départ fina­le­ment très fluide, j’ai com­men­cé à me détendre et à pro­fi­ter du vol. En fait j’alternais entre détente et petites frayeurs habi­le­ment dis­pen­sées par un moni­teur un peu taquin. Deux vrilles et une prise de com­mandes for­tuite plus tard, tout allait cepen­dant à peu près bien.

               

Rien ne va plus

C’est alors que l’atterrissage s’est pro­fi­lé. Et quelque chose de vrai­ment, vrai­ment inat­ten­du s’est pro­duit. Ma des­cente phy­sique était régu­lière, pour­tant j’avais la per­cep­tion d’arriver vers le sol par sac­cades. Comme si l’image que je per­ce­vais du sol était figée et que, sou­dain, de l’énergie était relâ­chée pour for­mer une image différente.

Il n’y avait pas de régu­la­ri­té dans la chro­no­lo­gie, si bien que mon cer­veau vivait un déca­lage entre ce qu’il voyait et ce qu’il s’attendait à voir. Les images se sui­vaient mais ne s’enchaînaient pas. Il man­quait des images inter­mé­diaires. Paradoxalement, j’avais la sen­sa­tion que le sol arri­vait vite. Trop vite. Parce que pen­dant que mon cer­veau ten­tait de com­bler les images man­quantes, une nou­velle image arri­vait. Elle n’était pas dans la conti­nui­té de la pré­cé­dente, et elle m’informait que j’étais beau­coup plus proche du sol que ce qu’il avait estimé.

Ce manque de constance dans ma pro­gres­sion était très incon­for­table. J’aurais vou­lu fer­mer les yeux pour stop­per cette étran­ge­té. Mais cette option était par­fai­te­ment inen­vi­sa­geable. En effet, le moni­teur avait bien insis­té sur une chose : dès que mes pieds seraient en contact avec le sol, je devrais cou­rir pour accom­pa­gner le mou­ve­ment d’atterrissage. J’avais déjà du mal à éva­luer le moment où cela se pro­dui­rait en ayant les yeux ouverts, je ne pou­vais pas me per­mettre de les fermer !

J’espérais aus­si pro­ba­ble­ment que tout ren­tre­rait dans l’ordre avant le point d’impact. Mais ce ne fut pas le cas. Je n’ai donc pu me mettre à cou­rir que lorsque j’ai sen­ti le moni­teur cou­rir der­rière moi. Et sur­tout me dire éner­gi­que­ment de le faire aus­si ! Finalement, quelques secondes après avoir rejoint la terre ferme, mes per­cep­tions sont rede­ve­nues habituelles.

                 

Perception et interprétation physique

Un peu de philosophie

Dans l’un de leurs dia­logues, David Bohm et Jiddu Krishnamurti exposent les bases de la rela­tion entre le mou­ve­ment linéaire que nous per­ce­vons et pre­nons pour la réa­li­té, et le véri­table mou­ve­ment, à l’origine du mou­ve­ment linéaire.

Krishnamurti : « (…) Le néant a (…) son propre mou­ve­ment, sous forme d’une éner­gie – res­tant à défi­nir – qui peut alors agir au sein de la réa­li­té (…) Le mou­ve­ment que nous connais­sons, c’est le temps – la dis­tance entre ici et là-bas etc. (…) Il existe un néant dont le mou­ve­ment n’est ni le mou­ve­ment de la pen­sée ni celui du temps.

David Bohm : Une théo­rie dit, paraît-il, que ce mou­ve­ment dont vous par­lez – l’ « atem­po­rel » – existe. Il ne s’inscrit pas dans le temps, mais c’est dans le temps qu’il se mani­feste, qu’il se révèle. 

Krishnamurti : Nous disons la même chose mais dif­fé­rem­ment (…) » [2]

                 

Une illusion tenace

 

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Nassim Haramein a un point de vue très simi­laire. Pour lui, le mou­ve­ment rec­ti­ligne uni­forme – chers aux réfé­ren­tiels iner­tiels et donc aux sys­tèmes iso­lés – cor­res­pond sim­ple­ment à notre per­cep­tion du mou­ve­ment à notre échelle de réa­li­té. Mais rien ne bouge de cette manière. Le véri­table mou­ve­ment a lieu vers l’échelle sub­ato­mique, et c’est la rai­son pour laquelle nous n’en fai­sons pas direc­te­ment l’expérience. Plus exac­te­ment, ce mou­ve­ment est celui de la boucle de rétro­ac­tion, du feed­back conti­nuel­le­ment à l’œuvre entre le vide et la matière.

On pour­rait le décrire comme le fait qu’à l’échelle quan­tique la lumière appa­rait, dis­pa­rait, appa­rait, dis­pa­rait… sans arrêt. Et chaque fois, elle réap­pa­raît à un empla­ce­ment très proche mais néan­moins dif­fé­rent du pré­cé­dent, don­nant l’impression, à notre échelle, qu’elle a un mou­ve­ment rec­ti­ligne uni­forme ain­si que des attri­buts phy­siques comme une vitesse mesu­rable. Ce qui se passe en réa­li­té, c’est que la matière se fait et se défait sans cesse à la vitesse de la lumière.

Dès lors, la per­cep­tion de ce mou­ve­ment sous-jacent nous échappe. Et non seule­ment nous ne per­ce­vons pas ce mou­ve­ment mais nous per­ce­vons à la place un mou­ve­ment conti­nu. Lorsque nous dépla­çons notre main d’un point A à un point B par exemple, le mou­ve­ment alors for­mé et « ancré dans l’univers du réel » n’est pas le véri­table mou­ve­ment à l’œuvre. Plutôt, notre main appa­raît et dis­pa­raît dans une dyna­mique d’expansion / contraction.

                 

Du cinéma bien réel

Le ciné­ma donne une bonne ana­lo­gie de ce pro­ces­sus. Des images suc­ces­sives et légè­re­ment dif­fé­rentes sont impri­mées et entre­cou­pées de « vide » sur une pel­li­cule argen­tique. Lorsque le film est pro­je­té à la bonne vitesse pour nous – 24 images par seconde au ciné­ma – cela engendre l’illusion d’un mou­ve­ment conti­nu. Cette illu­sion du mou­ve­ment résulte de ce que l’on appelle l’effet phi, qui, conju­gué à la per­sis­tance réti­nienne, per­met au cer­veau de relier auto­ma­ti­que­ment et de manière cohé­rente deux images fixes successives.

Mon expé­rience en para­pente m’a en quelque sorte mon­tré un aper­çu du mou­ve­ment sous-jacent à celui que l’on per­çoit à notre échelle et qui nous donne l’illusion d’une conti­nui­té dans la forme.

                

L’illusion de la mesure

 

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« Toute mesure est une illu­sion. » [3]

 

A mou­ve­ment illu­soire mesure illu­soire. Lorsque nous cal­cu­lons par exemple la vitesse de dépla­ce­ment de notre main d’un point A à un point B, nous consi­dé­rons impli­ci­te­ment que ce mou­ve­ment est linéaire, et qu’il est en rela­tion uni­que­ment avec nous. Mais si l’on envi­sage, à l’instar de Nassim Haramein, que la réa­li­té est tout autre et que tout est connec­té dans l’Univers (voir les articles qui pré­sentent la théo­rie du champ uni­fié), nous ne pou­vons plus cal­cu­ler la vitesse de ce mou­ve­ment de la façon dont nous le fai­sons habi­tuel­le­ment. A la vitesse de dépla­ce­ment entre A et B, il faut main­te­nant ajou­ter la vitesse de rota­tion de la Terre sur son axe, plus la vitesse de rota­tion de la Terre autour du soleil, plus la vitesse de rota­tion de la galaxie etc.

Autrement dit, non seule­ment le mou­ve­ment rec­ti­ligne uni­forme n’a plus rien d’un mou­ve­ment rec­ti­ligne uni­forme, mais la mesure effec­tuée n’a plus rien de signi­fi­ca­tif. Certes, cette mesure cor­res­pond au mou­ve­ment que nous per­ce­vons, et, en cela, elle est valable et utile dans notre cadre de réfé­rence car les vitesses y sont très éloi­gnées de celle de la lumière. Cependant, si nous n’avons pas conscience que l’on doit élar­gir ce cadre afin d’avoir une vision plus juste des choses, nous pas­sons à côté d’une réa­li­té essen­tielle, à savoir la vraie nature du mou­ve­ment, et l’illusion de la mesure.

                

Prendre la mesure de la conscience

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De manière plu­tôt inat­ten­due, la pro­blé­ma­tique liée à la mesure phy­sique nous ramène direc­te­ment au ques­tion­ne­ment lié à la réa­li­té de la conscience. Le point de vue du car­dio­logue néer­lan­dais Pim Von Lommel est éclai­rant à ce sujet :

 

« (…) aujourd’­hui la science ne se limite qu’à ce qui est visible et tout ce que vous ne pou­vez pas mesu­rer n’existe pas. Alors appa­raît le pro­blème de la conscience car on ne peut pas mesu­rer la conscience. Il n’est pas pos­sible de prou­ver le conte­nu de la conscience. La science doit prendre en compte les cri­tères sub­jec­tifs de l’être humain et pas seule­ment les cri­tères objec­tifs. La trans­for­ma­tion est l’as­pect objec­tif d’une expérience sub­jec­tive [par exemple : le chan­ge­ment qui s’opère chez les patients ayant vécu une EMI, qui en géné­ral n’ont plus peur de la mort] (…) Il n’y a pas de mesure de la conscience pour la science maté­ria­liste, il n’y a que la matière, donc pour ces scien­ti­fiques la conscience est une illu­sion ». [4]

 

Pour ces scien­ti­fiques, la conscience est une illu­sion, et la mesure une réa­li­té. Pour Nassim Haramein, la conscience est une réa­li­té – elle génère la matière – et la mesure dépend du cadre de réfé­rence considéré.

 

Arrêter l’infini ?

Finalement, la pro­blé­ma­tique de la mesure nous conduit tout droit à celle de l’infini. Le fait que nos équa­tions pré­disent l’infini, dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, pose en effet une nou­velle ques­tion : jusqu’à quel point une mesure peut-elle avoir un sens dans un uni­vers infi­ni ? Comme nous allons le voir, pour beau­coup de phy­si­ciens, cette ques­tion ne se pose pas dans la mesure, jus­te­ment, où ils cherchent à arrê­ter l’infini. En phy­sique quan­tique notam­ment, ils uti­lisent, comme nous allons le voir dans le pro­chain article, un pro­ces­sus de renor­ma­li­sa­tion pour rendre leurs cal­culs pos­sibles… et légi­ti­mer la réa­li­té de leurs mesures.

 


Points clés

  • Tout mou­ve­ment rec­ti­ligne uni­forme est une illu­sion engen­drée par notre perception.

  • Le seul mou­ve­ment qui ait lieu se fait entre le vide et la matière, par boucles de rétro­ac­tion.
                                    

              

                  


Notes et références
    

[1] KRISHNAMURTI Jiddu et BOHM David, Les limites de la pen­sée, Paris : Le livre de poche, 2006, p.83
[2] Ibid., p.118
[3] Ibid, p.209
[4] VAN LOMMEL Pim. (2011, Août). [Vidéo]. Expérience de conscience et NDE- Dr Pim Van Lommel 6/9

 




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