De la renormalisation aux fractales
31 MARS 2019 (mis à jour le 7 septembre 2023)
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Au niveau cosmologique comme au niveau quantique, les équations prédisent l’infini. Pourtant, nos théories standards de physique ne reflètent pas ces prédictions. Soit elles ignorent l’infini s’il provient des singularités du niveau cosmologique. Soit elles tentent de l’éliminer par renormalisation au niveau quantique, c’est-à-dire de le rendre fini, accessible, mesurable. C’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article.
« La théorie quantique des champs, à ce jour, [élimine] grâce à un processus de renormalisation, (…) une densité d’énergie qui serait formellement infinie si on ne l’excluait pas des calculs grâce à cette renormalisation. »
JOHN ARCHIBALD WHEELER [1]
Point zéro
L’énergie du point zéro, ou énergie du vide quantique, représente l’énergie qui subsiste lorsque toute autre forme d’énergie a été enlevée. Le calcul montre que cette énergie – la plus basse du champ quantique donc – est infinie. Par conséquent, on ne peut pas la différencier d’une énergie plus élevée. Sauf à attribuer par renormalisation la valeur zéro au niveau le plus bas, permettant par là même d’observer et de mesurer des variations d’énergie par rapport à ce plancher.
Cette renormalisation n’est pas incompatible avec une estimation de la valeur de l’énergie du vide. Afin de réaliser cette estimation, les physiciens utilisent la distance de Planck : 1,616 x 10-33 cm. Loin d’être la plus petite chose qui existe dans l’univers, cette valeur est la condition limite fondamentale qui définit notre relation à lui. La distance de Planck permet de calculer la densité de 1 cm3 de vide, qui équivaut à 1093 g/cm3 (voir également l’article L’unité, de l’éther à l’espace). Ainsi l’infini est-il artificiellement rendu fini.
Zéro pointé
Si elle appartient au domaine de la physique, la renormalisation, dans son principe, trouve un certain écho dans le domaine médical et dans la façon dont les champs de conscience sont envisagés. Ainsi la conscience est-elle renormalisée afin d’entrer dans des cases qui correspondent à certains processus mentaux, au-delà desquels elle n’a pour ainsi dire plus de réalité.
Ce n’est pas la façon de penser de Nassim Haramein. Ni en termes de physique, ni en termes de conscience. Pour lui :
« Depuis plus de 100 ans – depuis qu’on a découvert qu’il y a une quantité infinie d’énergie en chaque point – au lieu de dire « on a trouvé la source de la création », on a cherché un moyen d’arrêter les infinis (…). La distance de Planck est devenue la fin de l’équation. »
NASSIM HARAMEIN [2]
On pourrait dire que l’infini ne lui fait pas peur, et considérer sa démarche beaucoup plus objective. En fait, elle est simplement beaucoup plus consciente. Mais comment fait-il pour prendre en compte l’infini dans sa théorie du champ unifié ? Pour le savoir, il faut s’intéresser aux fractales !
Les fractales
Fractale et anévrisme
A l’échelle humaine, un anévrisme [3], par exemple, permet d’observer ce qu’est une dynamique fractale. En effet, il renferme un flux sanguin turbulent qui, s’il donne au premier abord une impression de désordre et de complexité, est au contraire très structuré lorsqu’on y regarde de plus près. Les « tourbillons » qui le composent suivent un processus fractal. La division des grands tourbillons en tourbillons plus petits permet un transfert d’énergie des grandes vers les petites échelles, telles des cascades d’énergie.
En tant que partie évoluant en interdépendance avec le corps humain, l’anévrisme est également dans une relation fractale avec lui. Plus généralement, au niveau biologique, il existe une interdépendance entre les parties et les touts, ces touts étant eux-mêmes toujours des parties d’un tout plus grand. Ainsi, pour exister, le corps humain dépend des organes, qui dépendent des cellules, qui dépendent de l’ADN et ainsi de suite. Chaque niveau supérieur reprenant les caractéristiques du précédent tout en y apportant des fonctions supplémentaires.
Le maillon fort
On parle alors d’holarchie, d’après le terme d’Arthur Koestler [4]. Une holarchie contient des éléments – des holons (ici l’ADN, les cellules, les organes…) – qui fonctionnent à la fois comme un tout autorégulé et comme une partie d’un tout plus grand (le corps humain). Les holons sont reliés au tout, qui dépend d’eux. Ainsi, une holarchie implique une relation hiérarchique dans laquelle chaque niveau fonctionne en autonomie, et où le niveau le plus petit est le plus important, car il conditionne tous les niveaux supérieurs. Tous les niveaux sont impliqués dans une dynamique de retro-alimentation de l’information, s’influençant ainsi mutuellement.
Ce point de vue se rapproche de celui de Nassim Haramein, pour qui regarder l’infini et les systèmes finis comme opposés mène notre physique dans une impasse. Il vaudrait mieux selon lui les considérer comme complémentaires, et pour ce faire, utiliser les fractales.
Un ordre derrière le désordre
Le terme « fractale », dérivé de l’adjectif éponyme, a été créé par le mathématicien franco-américain Benoît Mandelbrot en 1974. Ce terme vient du latin fractus, qui signifie « brisé, irrégulier ». L’irrégularité ou la fragmentation caractérisent en effet les formes fractales et en empêche la description en termes géométriques traditionnels.
Il peut paraître paradoxal qu’un mathématicien se soit intéressé à de telles formes, qui semblent par leur complexité et leur irrégularité à l’opposé même des mathématiques. Le fait est que Benoît Mandelbrot ne voyait pas une forme irrégulière lorsqu’il regardait une fractale, mais une structure, un motif se répétant à l’infini par un processus itératif. Cette caractéristique, appelée auto-similarité, peut être énoncée de la façon suivante : un agrandissement d’une partie de la structure fractale fait invariablement réapparaître l’ensemble de la structure. Une fractale se construit par homothétie, c’est-à-dire que sa structure se reproduit à l’identique à toutes les échelles, et ce à l’infini. Autrement dit, une fractale tend vers l’infini, et pourtant chacun de ses niveaux génère une limite, d’où la notion de complémentarité entre le fini et l’infini.
Pour Benoît Mandelbrot, de nombreuses formes présentes dans la nature peuvent être décrites par des fractales. Dès lors, les mathématiques ne s’appliquent plus seulement aux formes lisses (cercles, triangles, carrés…), mais intègrent la rugosité. C’est ainsi qu’on peut appliquer des lois mathématiques à des objets ou des phénomènes qui semblent y échapper. Et ils sont plutôt nombreux ! On peut citer notamment : la structure des poumons, des roches, de la foudre, la répartition des structures des branches d’arbres, la répartition des galaxies… Il y a donc un ordre derrière le désordre apparent.
Fractales et nombre d’or
Nassim Haramein parle de systèmes hautement organisés qui génèrent des structures fractales partout dans la nature. Même si chacune de ces structures semble particulière, elles « obéissent [toutes] en réalité à la même proportion Phi [le nombre d’or] : 1,618. Toujours 1,618 fois plus petit ou plus grand » [5]. En suivant cette logique, on ne trouvera jamais selon lui la « particule de Dieu » que cherche la physique quantique parce qu’il existera toujours une particule plus petite. Et éliminer l’infini n’y changera rien…
Un modèle fondamental de division
Il vaudrait mieux chercher un modèle fondamental de division de l’espace. Les fractales offrent cette possibilité, car ainsi qu’il l’explique : « au moyen de divisions infinies nous pouvons générer une « singularité », une connexion avec tout le reste » [6]. Ce modèle fondamental nous donne en fait la clé de compréhension du processus de création. Dès lors, peu importe l’échelle à laquelle nous observons les choses car :
« Chaque point contient tout, chaque point contient toute l’information. Chaque point est connecté au reste des points de l’univers. »
Ainsi, chaque limite fractale est produite par division de l’espace et génère une structure spécifique, des coordonnées spécifiques dans l’espace-temps. Chacune de ces limites peut par conséquent être définie comme un ensemble très spécifique d’informations. Ce processus étant itératif d’un niveau à l’autre, cela signifie qu’un nombre infini d’informations peut à chaque niveau être intégré au sein d’une structure finie.
Vous voulez connaître quelque chose d’encore plus intéressant ? Les fractales sont les motifs qui se dessinent lorsqu’on étudie le comportement des systèmes chaotiques, comme peut l’être un anévrisme… Pour en savoir plus, vous pouvez lire les articles consacrés à l’effet papillon.
Points clés
- La théorie quantique élimine par renormalisation la valeur infinie de l’énergie du vide prédite par les équations.
- La théorie du champ unifié réintroduit l’infini grâce aux fractales. Ainsi, fini et infini ne sont pas opposés mais complémentaires.
- Les fractales permettent de trouver un modèle fondamental de division de l’espace plutôt qu’une particule fondamentale.
Notes & références
[1] MISNER Charles W., THORNE Kip S., WHEELER John Archibald, Gravitation, Londres : W.H. Freeman, « Physics Series », 1973, cités par HARAMEIN Nassim, L’Univers décodé ou la théorie de l’unification, Québec : Editions Louise Courteau, 2012, p.24
[2] HARAMEIN Nassim. (2016, 23 avril). [Vidéo]. L’Univers connecté : la solution de masse holographique et la source de la conscience
[3] Un anévrisme est une dilation de la paroi d’une artère qui entraîne la création d’une poche à l’intérieur de laquelle le sang change de comportement. Lire Mon Histoire pour comprendre pourquoi j’ai choisi cet exemple improbable.
[4] Le terme « holarchie » a été créé par Arthur Koestler dans son livre The Ghost in the Machine publié en 1967 (Ed. Hutchinson). Le titre du livre fait référence à une expression du philosophe anglais Gilbert Ryle, pour qui l’esprit ne diffère pas de l’activité du corps.
[5] HARAMEIN Nassim. (2003). [Vidéo]. Nassim Haramein at Rogue Valley Metaphysical Library (1) Traduction disponible ici.
Voir également la loi d’échelle qu’il a écrite.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
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