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Mise à jour : 14 février 2020

Votre cerveau est-il vraiment nécessaire ? 2/3

temoignage-cerveau

Après un pre­mier tour d’ho­ri­zon des rap­ports entre le cer­veau et la conscience (voir l’article Votre cer­veau est-il vrai­ment néces­saire ? 1/3) intéressons-nous au témoi­gnage de la scien­ti­fique amé­ri­caine Jill Bolte Taylor.

Le cer­veau occupe une place pour le moins aty­pique dans sa vie. La mala­die de son frère, atteint de schi­zo­phré­nie, l’a en effet pous­sée à se spé­cia­li­ser en neu­roa­na­to­mie. C’est ain­si qu’elle a pu étu­dier les connexions qui se pro­duisent dans le cer­veau, en par­ti­cu­lier dans le cas de patho­lo­gies psychiatriques.

Alors qu’elle cher­chait à com­prendre pour­quoi son frère sem­blait vivre dans un monde sépa­ré de la réa­li­té telle que ses sem­blables l’expérimentent, elle a fait un AVC quelques années plus tard, le 10 décembre 1996, à l’âge de 37 ans. La rup­ture d’un vais­seau san­guin dans son cer­veau gauche a eu pour consé­quence la mise à l’arrêt pure et simple de cet hémi­sphère cérébral.

Au cours de cet étrange épi­sode, elle a per­du toute notion de limites cor­po­relles. Elle ne dis­tin­guait plus son enve­loppe phy­sique de ce qui l’entourait, elle per­ce­vait sim­ple­ment de l’éner­gie. Puis, par inter­mit­tence, elle reve­nait à ses per­cep­tions habi­tuelles. A force d’allers-retours entre un état expan­sé et un état où le men­tal repre­nait le des­sus, elle a fina­le­ment réus­si, non sans dif­fi­cul­tés, à appe­ler les secours.

                 

Du cerveau gauche au cerveau droit

Deux cerveaux, deux fonctions

Cette expé­rience inso­lite l’a conduite à émettre des hypo­thèses quant au fonc­tion­ne­ment des hémi­sphères céré­braux. Selon elle, le cer­veau droit fonc­tion­ne­rait dans l’ici et main­te­nant et trai­te­rait toutes les infor­ma­tions simul­ta­né­ment. Il serait asso­cié au liage per­cep­tif. Ainsi, il construi­rait une repré­sen­ta­tion uni­fiée des choses à par­tir des per­cep­tions visuelles, olfac­tives, audi­tives etc.

neurosciencesLe cer­veau gauche, quant à lui, fonc­tion­ne­rait de manière linéaire, et par com­pa­rai­son. Il se foca­li­se­rait sur les détails du moment pré­sent, en les clas­sant et en les com­pa­rant aux évé­ne­ments pas­sés afin de savoir com­ment agir dans le futur. Cet hémi­sphère serait le siège du lan­gage et de la dis­tinc­tion des choses entre elles. Il pra­ti­que­rait une sorte d’éti­que­tage men­tal des per­cep­tions sensorielles.

Pour la scien­ti­fique, le cer­veau abri­te­rait en fait deux consciences cog­ni­tives. D’une part celle de l’hémisphère gauche, trai­tant les infor­ma­tions sous l’angle de la sépa­ra­tion, du détail et de l’identité. D’autre part celle de l’hémisphère droit, enga­gé dans le pré­sent, la glo­ba­li­té, l’uni­té, repré­sen­tant en somme l’aspect non-local de la conscience. Elle dit ain­si que « l’hé­mi­sphère droit de notre cer­veau est pro­gram­mé pour le bon­heur, la paix, la com­pas­sion » [1] et que « la plas­ti­ci­té des neu­rones [2] donne à cha­cun la pos­si­bi­li­té de « virer à droite » et de choi­sir la paix et l’a­mour plu­tôt que l’af­fron­te­ment. » [3]

                    

Des hémisphères complémentaires

Jill Bolte Taylor a publié son témoi­gnage dans le livre Voyage au centre de mon cer­veau [4]. Il s’agit tou­te­fois davan­tage d’un récit de sa propre expé­rience que d’un tra­vail scien­ti­fique à pro­pre­ment par­ler. A ce sujet, pré­ci­sons que la dis­tinc­tion entre les deux hémi­sphères pro­po­sée par la neu­roa­na­to­miste pré­sente le cer­veau comme étant asy­mé­trique. Ce qui signi­fie selon elle que les infor­ma­tions rela­tives aux fonc­tions cog­ni­tives – telles que la vision, l’audition, la mémoire… – seraient trai­tées par l’un ou l’autre des hémisphères.

Or, au regard des tra­vaux effec­tués depuis quelques années en neu­ros­ciences [5] sur les troubles fonc­tion­nels occa­sion­nés par une lésion céré­brale, la réa­li­té est plus sub­tile. Il exis­te­rait plu­tôt une com­plé­men­ta­ri­té dans la façon dont les deux hémi­sphères céré­braux traitent l’information. Ainsi, le lan­gage par exemple ne dépen­drait pas exclu­si­ve­ment de l’hémisphère gauche. Celui-ci s’occuperait des aspects liés à la gram­maire et à la pro­duc­tion des mots, mais l’hémisphère droit joue­rait éga­le­ment un rôle impor­tant en gérant l’intonation et l’accentuation.

                       

Réalité augmentée

Pour ma part, j’aurais ten­dance à pla­cer la dis­tinc­tion non pas, effec­ti­ve­ment, entre les deux hémi­sphères mais plu­tôt entre le men­tal et la conscience. Cette der­nière étant à mon sens non-localisée et sou­te­nant l’expérience du men­tal et de l’hémisphère gauche. Mais quoi qu’il en soit, cela ne change rien au mes­sage essen­tiel que Jill Bolte Taylor nous livre : ce que nous croyons être n’est pas ce que nous sommes.

Bien que nous ayons toutes les deux vécu et sur­vé­cu à un AVC pour pou­voir pro­duire un témoi­gnage, nos expé­riences divergent. Autant par la façon dont elles se sont dérou­lées que par les consé­quences qu’elles ont eues. La scien­ti­fique a en effet connu une hémor­ra­gie intra­crâ­nienne dont elle a mis huit ans à se remettre des séquelles. Elle a dû notam­ment réap­prendre à par­ler, à lire et à marcher.

En ce qui me concerne, mon cer­veau en tant que tel n’a pas joué un rôle majeur dans mon expé­rience puisque l’hémorragie s’est décla­rée dans mes méninges (lire Mon his­toire). Cela étant, son fonc­tion­ne­ment aurait pu être consi­dé­ra­ble­ment alté­ré, du fait de la pres­sion exer­cée sur lui par l’hématome. Cela n’a heu­reu­se­ment pas été le cas, grâce à l’arrêt du sai­gne­ment réci­di­vant, m’épargnant ain­si des séquelles.

                  

Une question de câblage neurologique

Se concentrer sur l’instant présent

Malgré tout, nos expé­riences res­pec­tives se rejoignent en ce sens où elles nous ont fait vivre un élar­gis­se­ment de notre conscience. Jill Bolte Taylor l’exprime de cette façon : « Je dois avouer que la néces­si­té d’ad­mettre que notre vision du monde exté­rieur et notre rela­tion à lui découlent de notre « câblage » neu­ro­lo­gique, m’a libé­rée tout en me posant un défi de taille. Jusque-là, je n’é­tais donc que le pur pro­duit de mon ima­gi­na­tion ! » [6]

J’ai quant à moi uti­li­sé les mots « men­tal » et « conscience », mais de toute évi­dence, nous par­lons de la même chose. J’ai éga­le­ment, tout comme elle, fait l’expérience d’une séré­ni­té abso­lue dans l’ici et main­te­nant. Bien que ce fut sur un laps de temps très court, cet état hors du men­tal me reste néan­moins acces­sible. A l’image de ce qu’explique avec ses propres mots la scien­ti­fique dans son livre témoignage : 

« [Mon émo­tion] ne per­siste plus d’une minute et demie que lorsque je laisse le cir­cuit neu­ro­nal cor­res­pon­dant acti­vé en boucle. Je n’en reste pas moins libre à tout moment d’at­tendre que ma réac­tion se dis­sipe en me concen­trant sur l’ins­tant pré­sent plu­tôt que de me lais­ser hap­per par le fonc­tion­ne­ment répé­ti­tif de mes neu­rones. Le « câblage » de notre sys­tème lim­bique a tel­le­ment ten­dance à pro­gram­mer nos réac­tions que nous avan­çons sou­vent dans la vie en pilo­tage auto­ma­tique. »[7]

             

En route pour l’aventure

ressourcementLa façon dont Jill Bolte Taylor décrit son expé­rience me rap­pelle une conver­sa­tion que j’ai eue avec Madeleine (lire mon his­toire pour savoir qui est Madeleine) il y a une dizaine d’années. A cette époque, j’avais dans l’idée de me res­sour­cer en par­tant faire un stage d’une semaine en pleine nature, au fin fond du Cantal.

La ren­contre avait des allures cha­ma­niques, qui plus est avec des per­sonnes que je ne connais­sais pas. Même s’il était pré­ci­sé qu’aucune plante ne serait uti­li­sée – condi­tion sine qua none pour que j’accepte d’y par­ti­ci­per ! – je sol­li­ci­tais l’avis de Madeleine afin de m’assurer que je ne m’embarquais pas dans une aven­ture trop ris­quée. Je lui fis donc lire le des­crip­tif, qu’elle me ren­dit aus­si­tôt en s’exclamant spon­ta­né­ment : « je veux y aller ! ». J’allais donc non seule­ment par­tir accom­pa­gnée, mais en plus par­ta­ger cette aven­ture avec elle : le jackpot !

             

Entre croyance et expérience

Quelques semaines plus tard, je l’embarquais donc dans ma voi­ture. J’ai pro­fi­té du pri­vi­lège d’être seule à ses côtés pour lui deman­der com­ment elle per­ce­vait les choses.

Sa réponse fut très lit­té­rale. Elle me racon­ta que lorsqu’elle était petite, elle ne voyait pas les limites de son corps. Pour elle, tout n’était qu’énergie. Elle se met­tait alors devant la glace et devait se concen­trer pour déli­mi­ter les contours de son enve­loppe cor­po­relle… Autant dire que c’était le monde à l’envers pour moi. En l’écoutant, j’ai réa­li­sé que s’il me parais­sait évident qu’on ait cha­cun une inter­pré­ta­tion dif­fé­rente des choses, il me parais­sait étrange que nos « yeux » ne voient pas la même chose. A tel point qu’il ne m’était jamais venu à l’idée de remettre mon approche visuelle en ques­tion, tant elle consti­tuait pour moi la seule manière pos­sible d’accéder au monde.

Même si les réponses de Madeleine ne cadraient pas avec ma concep­tion des choses à l’époque, j’avais déjà suf­fi­sam­ment côtoyé son authen­ti­ci­té pour la croire volon­tiers. Je la croyais, mais, elle, expé­ri­men­tait : là se situait la dif­fé­rence entre nous. Le plus fou était en effet de me trou­ver en pré­sence d’un être en chair et en os pour qui cette façon d’être était natu­relle. J’avais tout sim­ple­ment à côté de moi la preuve vivante qu’on peut évo­luer – et faire évo­luer les autres – en étant « câblé » différemment.

Je vous invite main­te­nant à pour­suivre votre explo­ra­tion des liens entre le cer­veau et la conscience en lisant le témoi­gnage du neu­ros­cien­ti­fique Eben Alexander.

      

            

              


Notes et références

[1] DE VEZINS Véziane. (2008, 7 novembre). L’incroyable gué­ri­son du Dr Jill Bolte Taylor. In : Le Figaro
[2] Lire à ce sujet l’article Cerveau, science et conscience
[3] DE VEZINS Véziane, L’incroyable gué­ri­son du Dr Jill Bolte Taylor, op.cit.
[4] TAYLOR Jill Bolte, Voyage au centre de mon cer­veau, Paris : J’ai lu, Collection Aventure Secrète, 2009.
[5] Voir : FACULTES DE MEDECINE DE TOULOUSE. Revue de lit­té­ra­ture sur la dif­fé­rence hémi­sphé­rique — Cerveau droit, cer­veau gauche : le mythe
[6] TAYLOR Jill Bolte, Voyage au centre de mon cer­veau, op.cit., p.88
[7] Ibid., p.175

             




 

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