Mise à jour : 9 février 2020

De la dualité à l’unité 3/3

L’unité, de l’éther à l’espace

ether-univers-connecte

« Nous sommes les enfants de l’é­ther, comme les pois­sons sont les enfants de l’eau. » [1]

 

Le concept d’un uni­vers holo­gra­phique (voir l’ar­ticle De la dua­li­té à l’u­ni­té 2/3) est pré­sent en fili­grane dans les récits de nom­breuses tra­di­tions anciennes. Celles-ci rap­portent en effet l’existence d’une sub­stance non-manifestée pré­cé­dant la créa­tion mani­fes­tée. Elle peut prendre des noms dif­fé­rents selon les tra­di­tions. Mais elle revêt tou­jours les mêmes carac­té­ris­tiques : elle rem­plit l’espace, crée voire recrée per­pé­tuel­le­ment la matière, imprègne toute chose, uni­fie tout.

La phy­sique clas­sique a un temps consi­dé­ré l’exis­tence d’une sub­stance qui rem­pli­rait une telle fonc­tion d’u­ni­fi­ca­tion : l’é­ther. L’objet de cet article est d’exa­mi­ner com­ment les théo­ries de phy­sique ont fait évo­luer le concept d’é­ther au cours du temps. Et l’im­pli­ca­tion que cela a eu sur notre repré­sen­ta­tion du monde.

Mon expé­rience me dit que tout est lié (voir Mon his­toire). Les liens qui ont fait de mon expé­rience ce qu’elle a été, et la manière dont ces liens se sont créées est expli­ci­tée dans l’article L’univers est-il déter­mi­niste. J’explique en effet  com­ment l’information a cir­cu­lé dans ce que cer­tains appel­le­raient l’éther, ou dans ce que Nassim Haramein appelle l’espace. Mon pro­pos est de voir ici com­ment ce phy­si­cien a en quelque sorte réha­bi­li­té le concept d’éther, qui sous-tend sa théo­rie du champ uni­fié.

                         

L’éther dans les anciennes traditions

Les textes fon­da­teurs de l’hindouisme, les Upanishad, parlent d’une sub­stance pri­mor­diale, nom­mée Prakriti. De cette sub­stance part et retourne toute exis­tence phy­sique. Il existe éga­le­ment selon ces textes un deuxième niveau de mani­fes­ta­tion, l’éther. Il est décrit comme une sub­stance invi­sible pré­sente en toute chose. En se den­si­fiant au tra­vers des mani­fes­ta­tions maté­rielles, l’éther devient visible. Il pro­duit les mou­ve­ments, alors iden­ti­fiés au prana.

Pour les Amérindiens, l’éther serait la grand-mère arai­gnée. Celle-ci tis­se­rait depuis les ori­gines du monde la toile de l’univers, et en assu­re­rait l’unité. Une méta­phore éga­le­ment connue dans la phi­lo­so­phie boud­dhiste, sous le nom de filet d’Indra. Il s’agit d’un filet mul­ti­di­men­sion­nel dont chaque nœud est orné d’un joyau qui se reflète dans les autres. Ainsi, chaque joyau contient la réflexion de tous les joyaux, à l’infini… comme dans un uni­vers holo­gra­phique. Le filet d’Indra illustre chez les boud­dhistes le concept de la vacui­té, l’apparition en dépen­dance des phé­no­mènes [2]. Pour eux, tout a une influence sur tout, même si l’on ne s’en rend pas compte car les fils de la toile uni­ver­selle sont invi­sibles.

                  

L’éther, de la physique classique à la physique quantique

La phy­sique clas­sique a repris à son compte le concept d’éther, qu’elle a cepen­dant détour­né. Les phy­si­ciens vou­laient en effet avoir d’une part une repré­sen­ta­tion des forces qui s’exercent à dis­tance, comme la gra­vi­ta­tion. Et d’autre part du sup­port sup­po­sé pro­pa­ger la lumière. Ce fai­sant ils se sont éloi­gnés du contexte d’origine de l’éther en lui confé­rant un sta­tut très dis­cu­table puisqu’ils l’ont ren­du maté­riel. Tout en ne l’incluant pas dans les équations…

newtonEn fait, de Newton à Einstein et jusqu’à la phy­sique quan­tique rela­ti­viste en 1930, les phy­si­ciens ont eu des atti­tudes contra­dic­toires par rap­port à l’é­ther. Ils ont décla­ré suc­ces­si­ve­ment qu’il devait exis­ter, puis qu’il n’existait pas, puis qu’il pour­rait exis­ter mais que les équa­tions exis­tant sans lui, il n’était pas néces­saire d’en tenir compte. Sauf que dans les deux der­niers cas, en conser­vant la réfé­rence d’origine à l’éther, on a induit l’idée que les choses sont sépa­rées les unes des autres. Et cette idée a des impli­ca­tions fon­da­men­tales sur notre manière de consi­dé­rer notre rela­tion à nous-mêmes, aux autres et à l’univers.

                

La théorie quantique des champs

En 1930, la phy­sique quan­tique rela­ti­viste se déve­loppe. La théo­rie quan­tique des champs qui découle de ces avan­cées a pour but d’introduire les concepts de la Relativité res­treinte pro­po­sée par Einstein dans la méca­nique quantique.

Le monde quan­tique devient alors une mer d’énergie dyna­mique. Elle four­mille de par­ti­cules éphé­mères en per­pé­tuelle créa­tion et dis­so­lu­tion. Dès lors, le vide n’est plus vide – ain­si qu’on le croyait jusque-là – mais rem­pli de champs d’énergie élec­tro­ma­gné­tique. Ceux-ci conservent une éner­gie rési­duelle lorsque la tem­pé­ra­ture des­cend au zéro abso­lu [3]. Une éner­gie appe­lée éner­gie du point zéro ou éner­gie du vide. Elle repré­sente l’énergie qui sub­siste lorsque toute autre forme d’énergie a été enlevée.

fluctuations-vide-quantiqueIl s’agit, en somme, d’une forme d’énergie rap­pe­lant les pro­prié­tés de l’éther, même si elle n’est pas nom­mée comme telle. On parle de fluc­tua­tions du vide quan­tique. Le cal­cul montre que l’éner­gie totale du point zéro est infi­nie. Comment, dès lors, l’utiliser dans les cal­culs ?  Grâce à un pro­ces­sus de renor­ma­li­sa­tion qui per­met de rendre finie cette valeur infi­nie. Cependant, si l’énergie du point zéro n’est effec­ti­ve­ment plus infi­nie, elle n’en reste pas moins gigan­tesque puisque sa den­si­té est de 1093g/cm3. C’est-à-dire 10 sui­vi de 93 zéros… !

En paral­lèle de ces déve­lop­pe­ments, d’autres décou­vertes sont faites au niveau cos­mo­lo­gique : en 1922, le phy­si­cien russe Alexandre Friedmann publie l’article fon­da­teur démon­trant l’expan­sion de l’univers. Et en 1998 deux équipes inter­na­tio­nales de phy­si­ciens [4] mettent en évi­dence le fait que cette expan­sion s’accélère. Afin de décrire la force qui rend compte de ce phé­no­mène, ils sont ame­nés à sup­po­ser – sans à ce jour qu’elle ait été détec­tée – l’existence d’une nou­velle éner­gie : l’énergie noire. Celle-ci se com­porte comme une force qui s’oppose à l’attraction gra­vi­ta­tion­nelle, expli­quant ain­si l’accélération de l’expansion de l’univers.

              

L’énergie noire et la constante cosmologique d’Einstein 


« Historiquement, la seule forme d’éner­gie (hypo­thé­tique) se com­por­tant comme de l’éner­gie [noire] était la constante cos­mo­lo­gique, pro­po­sée dans un autre contexte par Albert Einstein en 1916 (…). La moti­va­tion ini­tiale d’Einstein res­tait cepen­dant fort éloi­gnée de celles qui motivent l’in­té­rêt actuel pour l’éner­gie [noire]. En effet, en 1916, date à laquelle l’ex­pan­sion de l’univers n’é­tait pas connue, Albert Einstein consi­dé­rait que l’univers devait être sta­tique, aus­si lui fallait-il intro­duire une nou­velle force s’op­po­sant à l’at­trac­tion gra­vi­ta­tion­nelle. Le can­di­dat idéal fut trou­vé avec la constante cos­mo­lo­gique, qui per­met­tait, dans cer­taines condi­tions très par­ti­cu­lières de contre­ba­lan­cer exac­te­ment l’ef­fet attrac­tif de la force gra­vi­ta­tion­nelle. »
[5]

                    

einsteinLorsque l’expansion de l’univers fut décou­verte, Einstein est reve­nu sur l’ajout de ce para­mètre. Néanmoins, cer­tains phy­si­ciens estiment que l’éner­gie noire cor­res­pon­drait à la den­si­té moyenne d’énergie du vide sur des échelles cos­mo­lo­giques, den­si­té modé­li­sée par la constante cos­mo­lo­gique pos­tu­lée par Einstein.

En pra­tique, ce n’est pas si simple car la valeur esti­mée de l’énergie noire est de 10-29g/cm3, soit une dif­fé­rence de 122 ordres de magni­tudes par rap­port à l’énergie du vide quan­tique (1093g/cm3). Cette pré­dic­tion est d’ailleurs connue comme la catas­trophe du vide, la pire pré­dic­tion ayant jamais été faite en phy­sique. Et elle a réduit à néant tout espoir de lier l’échelle quan­tique et l’échelle cos­mo­lo­gique par une forme d’énergie aux pro­prié­tés proches de celles de l’éther.

                

Constante cosmologique = énergie du vide quantique

En 2011, cepen­dant,  Nassim Haramein a démon­tré que la valeur de la den­si­té d’énergie du vide quan­tique et celle de la constante cos­mo­lo­gique étaient cor­rectes toutes les deux. Simplement, elles sont en appa­rence inégales parce qu’elles sont expri­mées sur deux échelles dif­fé­rentes. Vous pou­vez lire l’article Gravité quan­tique et pro­ton de Schwarzschild pour com­prendre la manière dont elles sont liées, et en fin de compte, le fait que la matière noire n’existe pas [6].

Dans le monde de Nassim Haramein, fina­le­ment, tout semble se pas­ser comme si l’éther exis­tait. Rappelons qu’à l’origine, pour les phy­si­ciens, l’éther était sup­po­sé faire voya­ger les ondes lumi­neuses. D’une part ces phy­si­ciens pré­sup­po­saient donc le mou­ve­ment rec­ti­ligne uni­forme de la lumière dans le vide. Et d’autre part ils avaient besoin d’un éther maté­riel pour ten­ter de rendre compte de ce mouvement.

          

Tout est connecté

Nassim Haramein montre qu’en fait, le véri­table mou­ve­ment de la lumière n’est pas celui que nous per­ce­vons (voir l’ar­ticle Mouvement et per­cep­tion). En ce sens, nous pour­rions dire que la lumière ne voyage pas. Alors de deux choses l’une : soit nous réa­li­sons qu’elle ne voyage pas, et par consé­quent la ques­tion de l’éther maté­riel n’a pas de rai­son d’être. Soit nous sommes leur­rés par nos obser­va­tions – parce que nous igno­rons la dyna­mique réel­le­ment à l’œuvre dans l’univers – et nous croyons alors que la lumière voyage. Comme nous ne détec­tons pas la pré­sence de l’éther maté­riel, nous arri­vons à la conclu­sion incor­recte que les choses ne sont pas reliées entre elles.

Mais cette déduc­tion est erro­née non pas parce que les choses n’ont effec­ti­ve­ment pas de lien entre elles, mais parce que les pos­tu­lats de départ – la lumière voyage et l’éther est maté­riel – sont incorrects.

tout-est-lieNassim Haramein consi­dère que tout dans l’univers est connec­té. Cependant, il ne parle pas d’éther. Il n’a pas besoin de le faire.  Il dit sim­ple­ment que tout est connec­té par l’espace, le seul élé­ment com­mun à toutes les échelles. Comme il montre que la lumière ne voyage pas, cela coupe court à toute spé­cu­la­tion au sujet de l’éther. Cela évite éga­le­ment de faire réfé­rence à toute l’explication que l’on vient d’évoquer.

En fin de compte, il pro­pose une théo­rie d’unification qui ne fait pas appel à l’éther maté­riel de cer­tains phy­si­ciens tout en révé­lant l’éther imma­té­riel des tra­di­tions anciennes !

             

 


Points clés

 

  • L’énergie du vide quan­tique, ou éner­gie du point 0, est infinie.

  • [catas­trophe du vide] Il existe une dif­fé­rence de 122 ordres de magni­tudes entre la valeur esti­mée de l’énergie noire (10-29g/cm3) et la valeur de l’énergie du vide quan­tique renor­ma­li­sée (1093g/cm3).

  • Ces valeurs sont toutes les deux cor­rectes mais en appa­rence inégales parce qu’elles sont expri­mées sur deux échelles différentes.

          

               

                 


Notes et références


[1] WILCZEK Frank, Prix Nobel de Physique, 2017
[2] Pour mieux com­prendre le concept d’apparition en dépen­dance, vous pou­vez éga­le­ment consul­ter l’article Indéterminisme et intri­ca­tion.
[3] Le zéro abso­lu repré­sente la tem­pé­ra­ture la plus basse qui puisse exis­ter, fixée par conven­tion à  — 273,15°C.
[4] Le Supernova Cosmology Project, mené par Saul Perlmutter, et le High‑Z super­no­vae search team, mené par Adam Riess, leur vau­dra l’ob­ten­tion du prix Nobel de phy­sique en 2011.
[5] WIKIPEDIA. Energie noire
[6] Voir éga­le­ment l’ar­ticle (en anglais) de la phy­si­cienne Amira Val Baker de la Resonance Academy, The vac­cum catas­trophe, 2019.

             




 

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