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Mise à jour : 15 février 2024

Indéterminisme et intrication

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Vous avez sur­vé­cu à l’expérience du chat de Schrödinger revi­si­tée ? La nou­velle inter­pré­ta­tion de la « dua­li­té » onde / par­ti­cule n’a plus de secret pour vous ? Alors vous êtes prêt à pour­suivre votre explo­ra­tion de la phy­sique quan­tique en décou­vrant l’indéterminisme et l’intrication sous un nou­veau jour !

Selon l’in­ter­pré­ta­tion clas­sique, l’indéterminisme semble remettre en ques­tion le prin­cipe de cau­sa­li­té. Et l’intrication semble défier le prin­cipe de loca­li­té et la vitesse de la lumière. Pourtant, si l’on aborde ces prin­cipes sous l’angle de l’infor­mation et de l’inter­dé­pen­dance des phé­no­mènes, ils sont inter­pré­tables sim­ple­ment. C’est ce que nous allons décou­vrir dans cet article !

                 

L’indéterminisme quantique, ou la causalité en question

 

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L’indéterminisme découle de l’i­dée selon laquelle les évé­ne­ments, en phy­sique quan­tique, n’ont pas de cause. Le prin­cipe d’incertitude for­mu­lé par le phy­si­cien Werner Heisenberg en 1927 en est l’illustration. Il énonce qu’il est impos­sible de déter­mi­ner avec pré­ci­sion et simul­ta­néi­té la vitesse et la posi­tion d’un électron.

Heisenberg défi­nit la cau­sa­li­té comme étant « la capa­ci­té de déduire la posi­tion d’une par­ti­cule quand [on connaît] la posi­tion de cette même par­ti­cule un ins­tant avant » [1]. Si en phy­sique clas­sique on peut bien sûr appli­quer le prin­cipe de cau­sa­li­té afin de pré­dire l’évolution d’un sys­tème à n’importe quel moment du temps, en phy­sique quan­tique, cela n’est pas pos­sible. Lorsque l’on veut connaître la posi­tion d’une par­ti­cule, on doit éla­bo­rer un dis­po­si­tif dans lequel on envoie un pho­ton sur la par­ti­cule. Au moment où le pho­ton heurte la par­ti­cule, la posi­tion du pho­ton est révé­lée, et par consé­quent celle de la par­ti­cule.

Mais ce dis­po­si­tif per­turbe le sys­tème, le choc avec le pho­ton pro­je­tant la par­ti­cule à un endroit indé­ter­mi­né et indé­ter­mi­nable. Il est donc impos­sible de recons­ti­tuer la tra­jec­toire de la par­ti­cule, puisque d’une mesure à l’autre on ne sait jamais où elle va se trou­ver. En fait, on ne peut même pas être cer­tain que la par­ti­cule ait une tra­jec­toire entre deux obser­va­tions.

                

L’apparition en dépendance des phénomènes

Si la per­tur­ba­tion du sys­tème nous empêche de connaître la posi­tion de la par­ti­cule à l’instant pré­cé­dent, cela revient à dire qu’il nous manque l’information qui nous per­met­trait d’appliquer le prin­cipe de cau­sa­li­té. Pourtant, « ce n’est pas que [nous devons] reje­ter com­plè­te­ment l’i­dée que les évé­ne­ments ont des causes, mais seule­ment l’i­dée que [nous pou­vons] appli­quer le prin­cipe de cau­sa­li­té dans le but de pré­dire » [2] explique le phi­lo­sophe des sciences Michel Bitbol. La seule chose que nous pou­vons dire, c’est qu’il y a des phé­no­mènes. Pour les­quels il est impos­sible de dis­so­cier l’objet de l’acte d’observation.

Nous ne pou­vons qu’établir une rela­tion entre les deux, qui relève d’une appa­ri­tion en dépen­dance. Ce qui ne signi­fie pas pour autant qu’il n’y a pas de cause en phy­sique quan­tique. En fait, pour Michel Bitbol :

 

« Il n’y a seule­ment aucune cause abso­lue, aucune cause intrin­sè­que­ment exis­tante, mais il y a des causes qui sont rela­tives à l’acte même d’ob­ser­va­tion des phé­no­mènes. Donc les phé­no­mènes ne sont pas sans cause. Ils sont cau­sés par l’en­semble des fac­teurs qui impliquent les appa­reils de mesure qui détectent les phé­no­mènes. » [3]

 

L’apparition en dépen­dance est éga­le­ment appli­cable au phé­no­mène d’in­tri­ca­tion quantique.

                

L’intrication quantique, ou la communication instantanée

 

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Le terme « intri­ca­tion » a été employé pour la pre­mière fois par Erwin Schrödinger en 1935, en réponse au para­doxe EPR mis en évi­dence par Albert Einstein, Boris Podolsky et Nathan Rosen.

                 

Le paradoxe EPR

Pour com­prendre le para­doxe EPR, il faut remon­ter au fon­de­ment de la théo­rie de la rela­ti­vi­té géné­rale d’Einstein, et en par­ti­cu­lier au prin­cipe de loca­li­té. Ce prin­cipe énonce qu’un objet ne peut être influen­cé que par son envi­ron­ne­ment immé­diat. Deux objets sépa­rés par une grande dis­tance ne peuvent donc théo­ri­que­ment pas exercer d’in­fluence l’un sur l’autre.

Le para­doxe EPR est une expé­rience de pen­sée (donc pas une démons­tra­tion) dont le but est de démon­trer que la méca­nique quan­tique est incom­plète. Il pré­dit que des par­ti­cules peuvent être dans des états cor­ré­lés – c’est-à-dire qu’il existe des cor­ré­la­tions dans les résul­tats de mesure – même si ces par­ti­cules sont très éloignées.

C’est le phé­no­mène d’intrication, aus­si appe­lé non-localité. Deux par­ti­cules intri­quées ne peuvent pas être consi­dé­rées comme indé­pen­dantes, et ce quelle que soit la dis­tance qui les sépare. Ces par­ti­cules forment un sys­tème unique. L’observation montre en effet que si l’on agit sur l’une des par­ti­cules, cela a une réper­cus­sion ins­tan­ta­née sur l’autre. Ainsi une opé­ra­tion de mesure sera valable pour les deux par­ti­cules, parce que leurs états quan­tiques dépendent l’un de l’autre.

Tout semble se pas­ser comme si l’information était trans­mise ins­tan­ta­né­ment – donc à une vitesse plus grande que celle de la lumière – d’une par­ti­cule à l’autre. A prio­ri il n’en est rien, car les états des par­ti­cules sont coor­don­nées et ne per­mettent pas de trans­mettre une infor­ma­tion.

Le phy­si­cien fran­çais Alain Aspect a le pre­mier démon­tré l’in­tri­ca­tion des par­ti­cules, dans des expé­riences menées à par­tir de 1975 [4]. Aujourd’hui, l’in­tri­ca­tion est consi­dé­rée comme admise.

                  

Alors comment expliquer l’intrication quantique ?

Selon la théo­rie de Nassim Haramein, l’information, lorsqu’elle appa­raît en un point de l’univers, appa­raît simul­ta­né­ment en chaque point. Et ce, parce que l’univers est holo­gra­phique (voir l’ar­ticle L’univers frac­tal et holo­gra­phique). En ce sens, effec­ti­ve­ment, il n’y a aucune trans­mis­sion d’information. Il y a juste une appa­ri­tion en dépen­dance de l’information, en chaque point de l’univers.

D’après le phy­si­cien, l’intrication met en évi­dence la pré­sence de trous de ver. Ce sont des sortes de rac­cour­cis dans l’espace qui per­mettent à deux régions de com­mu­ni­quer indé­pen­dam­ment de la vitesse de la lumière. Il montre en fait que dans l’Univers holo­frac­to­gra­phique l’é­ga­li­té ER = EPR théo­ri­sée par Juan Maldacena et Leonard Susskind est vérifiée.

 

pont-einstein-rosenMais que signi­fie ER=EPR ? D’après ces deux phy­si­ciens, en effet, les trous de ver (ER, ou ponts d’Einstein-Rosen – illus­tra­tion ci-contre) et l’in­tri­ca­tion quan­tique (EPR) sont une seule et même chose [5]. Autrement dit, éloi­gner deux par­ti­cules intri­quées revient à for­mer un trou de ver entre les deux.

 

Nassim Haramein parle quant à lui d’inter­dé­pen­dance de tous les pro­tons pré­sents dans l’univers. De son point de vue, il ne s’a­git donc pas seule­ment de deux par­ti­cules qui seraient d’une part dans un état intri­qué et d’autre part indé­pen­dantes du reste des par­ti­cules de l’univers. Pour lui, non seule­ment l’information cir­cule entre deux pro­tons connec­tés par un trou de ver, mais éga­le­ment entre deux pro­tons connec­tés par l’intermédiaire de plu­sieurs pro­tons et trous de vers. Ainsi existe-t-il une com­mu­ni­ca­tion ins­tan­ta­née entre tous les pro­tons pré­sents dans l’univers. C’est pour cette rai­son qu’il a inti­tu­lé sa théo­rie « l’univers connecté ».

                     

Qu’en est-il à l’échelle humaine ?

Qu’est-ce que ce ques­tion­ne­ment et cette décou­verte ont à voir avec notre expé­rience quo­ti­dienne me direz-vous ? En tant qu’être humain, nous sommes consti­tués de cel­lules, elles-mêmes consti­tués d’atomes, eux-mêmes consti­tués de pro­tons. Par consé­quent nous fai­sons par­tie inté­grante de la trame qui connecte tous les pro­tons entre eux.

fractales-et-determinismeJe vous invite à décou­vrir l’article L’univers est-il déter­mi­niste ? pour pour­suivre cette réflexion. La pre­mière par­tie de l’ar­ticle traite du prin­cipe de cau­sa­li­té du point de vue non pas de l’indéterminisme, mais de son pen­dant, le déter­mi­nisme. Pour autant, il ne s’agit pas de consi­dé­rer que l’indéterminisme est aux par­ti­cules quan­tiques ce que le déter­mi­nisme est à notre vie quo­ti­dienne. Il s’agit, à la lumière de mon expé­rience, de l’éclairage de Michel Bitbol et de la théo­rie de l’Univers connec­té, de dépas­ser ce ques­tion­ne­ment. Et pour ce faire, de mon­trer com­ment déter­mi­nisme et indé­ter­mi­nisme sont en fait com­plé­men­taires et agissent à toutes les échelles. La seconde par­tie de l’article met plus en évi­dence mon expé­rience per­son­nelle en fai­sant appa­raître en fili­grane la trame qui nous connecte tous.

 


Points clés

  • En phy­sique quan­tique, les causes ne sont pas intrin­sèques aux objets, elles dépendent de l’acte d’observation.

  • Tous les pro­tons sont intri­qués dans l’univers : la com­mu­ni­ca­tion est instantanée.

                    

                    

                  


Notes et références
    

[1] HEISENBERG Werner, cité par BITBOL Michel (2013, 18 jan­vier), Dissiper les pro­prié­tés intrin­sèques et l’existence intrin­sèque, In : Fleurs du dhar­ma, Mind and Life XXVI – Esprit, cer­veau et matière, pp.9–10
[2] BITBOL Michel, Dissiper les pro­prié­tés intrin­sèques et l’existence intrin­sèque, op.cit., p.10
[3] Ibid., p.11
[4] ASPECT Alain. (1976, 15 octobre). Proposed expe­riment to test the non­se­pa­ra­bi­li­ty of quan­tum mecha­nics, Physical Review D, vol. 14, no 8
[5] MALDACENA Juan et SUSSKIND Leonard. (2013, 11 juillet). Cool hori­zons for entan­gled black holes.

               




 

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