- 10 janvier 2019
Mise à jour : 5 février 2020
Comment apprend-on ?
Je ne sais pas ce que je ne sais pas. [1]
Tel est l’état d’esprit dans lequel j’effectue toutes les recherches qui contribuent à l’écriture de ce blog. Il s’agit plus largement d’une disposition d’être qui, selon moi, ne peut que nous aider à progresser dans la vie.
Apprendre est le processus par lequel la complexité et la conscience grandissent dans l’univers. Et nous sommes partie prenante de ce processus ! De la cognition humaine à l’univers en passant par le rôle de l’inconscient, j’explore dans cet article différentes facettes de l’apprentissage. Alors si vous voulez apprendre à apprendre, suivez-moi !
De l’intérêt d’une cognition perturbée
En 2016, Jason M. Lodge et Gregor Kennedy [2] ont écrit un article [3] relatant l’étude [4] qu’ils ont menée à propos de certains mécanismes de l’apprentissage. Selon eux, l’état de confusion mentale qui peut accompagner un nouvel apprentissage, et plus généralement une confrontation avec des informations inédites, complexes, contre-intuitives ou simplement contraires à nos savoirs antérieurs, est légitime. Il est même préférable à un manque de perturbation cognitive, qui, par un excès de confiance de l’apprenant, pourrait au contraire s’avérer préjudiciable à l’acquisition de nouvelles connaissances.
Lodge et Kennedy soulignent que lorsqu’elle se manifeste, cette impasse de la cognition est souvent perçue comme un manque d’intelligence, et peut alors être vécue comme négative. A tel point que nous pouvons chercher à l’éviter. Et ainsi être tentés de nous satisfaire d’une explication simple pour des idées complexes, voire d’éliminer délibérément la complexité. Ce qui peut alors nous conduire à apprécier des présentations lisses, fluides, attrayantes et divertissantes, dans lesquelles les informations paraissent faciles à comprendre parce qu’elles semblent cohérentes avec nos conceptions intuitives… ou nos idées fausses. L’ennui est que ce genre de présentations s’accompagne souvent d’un « sens gonflé de ce qui est réellement appris. » [5]. Ainsi, d’après eux :
« Si nous ne nous confrontons pas réellement aux concepts, ils ne pourront pas être traités assez profondément pour conduire à un apprentissage durable. » [6]
Refuser de plonger dans la complexité peut nous amener à croire que nous comprenons des concepts, alors qu’il n’en est rien. Mieux vaut concrètement, à un moment ou à un autre, nous mesurer à eux. Ainsi nous pourrons construire notre propre opinion par rapport aux informations avec lesquelles nous entrons en contact.
Vers un apprentissage durable
L’étude montre finalement que nous pouvons retirer un bénéfice de notre état de confusion. La clé étant de se sentir à l’aise avec ce-dernier, en comprenant qu’il fait simplement partie du processus d’apprentissage. Etre capable de l’accepter permet de ne pas le laisser s’installer. Pas plus que ses deux corrélats : la frustration et l’ennui. C’est seulement à cette condition que nous ne renoncerons pas à l’apprentissage. Et que nous pourrons, de surcroît, améliorer nos stratégies de compréhension du monde.
Ma cognition a été perturbée plus d’une fois au cours de mes recherches. J’ai également modifié, réécrit voire supprimé de nombreux articles. J’ai plongé dans les concepts pour faire le tri entre des informations simples, simplistes, raccourcies, incorrectes, compliquées, complexes… En somme, j’ai déconstruit des concepts, parfois difficilement, parfois avec une certaine joie.
La complexité ne réside pas forcément dans le concept lui-même, bien que nous puissions la percevoir ainsi. Souvent, elle tient plutôt à la déconstruction du compliqué, de la fausse simplicité. Ou encore de ce que nous connaissons ou
croyons connaître et auquel, pour diverses raisons, nous nous accrochons. Et parfois, accepter cette déconstruction – passer ce cap – laisse apparaître un nouveau concept, finalement beaucoup plus simple que l’ancien…
Voilà ce qui se joue au niveau de la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire au niveau conscient de l’apprentissage. Mais vous voulez peut-être comprendre comment se met concrètement en place un apprentissage durable ? Alors il est nécessaire de s’intéresser au processus qui lie le conscient à l’inconscient. Allez, c’est parti ! Que la cognition soit avec nous !
Du bon usage de l’inconscient
Adopter une vue un peu plus large peut nous faire réaliser que l’espace conscient n’occupe finalement pas une si grande place dans le processus d’apprentissage. Mais, évidemment, il est une condition sine qua non à tout apprentissage !
Le schéma ci-après montre que les informations émergent du champ de l’inconscient et y retournent, modifiées par leur passage dans l’espace du conscient. Ce processus par lequel nous passons lorsque nous apprenons de nouvelles informations se déroule en 4 étapes.
Les 4 étapes de l’apprentissage
1. L’incompétence inconsciente
C’est lorsque « je ne sais pas que je ne sais pas ».
2. L’incompétence consciente
Arrive le moment où « je sais que je ne sais pas ». Je prends conscience de l’existence d’une compétence à acquérir. C’est donc également le moment où ma cognition peut potentiellement être perturbée ! Pour passer ce cap, je dois simplement reconnaître que « je ne sais pas », et accepter de changer l’état de mes connaissances actuelles. Encore faut-il cependant que j’estime que ces informations proviennent d’une source fiable et qu’elles me seront profitables.
3. La compétence consciente
C’est ici que la confrontation réelle avec les concepts a lieu ! J’entre dans l’espace de l’effort conscient. Idéalement, je dois observer une personne en train d’utiliser de manière appropriée la compétence que je cherche à acquérir. Mais, que l’observation ait lieu ou pas, je dois répéter l’apprentissage jusqu’à ce que ma manière d’utiliser la compétence devienne fluide et rapide. Autrement dit, jusqu’à ce que je sois à l’aise avec cette nouvelle compétence.
C’est ce qui va conditionner un apprentissage durable, c’est-à-dire un apprentissage qui vient remplacer les anciens concepts. Ces-derniers ont forgé inconsciemment ma manière de penser pendant un temps plus ou moins long. C’est ce qui expliquera mon éventuelle difficulté à accepter le changement (et, en fait, plus l’habitude de pensée aura été longue, plus le changement demandera d’efforts).
4. La compétence inconsciente
A un certain point du processus conscient de l’apprentissage durable, l’exécution de la nouvelle compétence devient automatique. Alors, elle passe dans le champ de l’inconscient car je n’ai plus à y penser consciemment.
Ce processus doit nous faire réaliser que nous avons des schémas de pensées inconscients, basés sur les compétences acquises jusqu’à maintenant. Que nous exécutions ces compétences de la bonne manière… ou pas.
Et ce processus doit également nous faire réaliser que nous pouvons modifier nos schémas de pensées.
La plasticité neuronale ne fait pas tout
L’apprentissage résulte de la formation de connexions synaptiques, qui une fois qu’elles sont câblées comme un pattern stable de connexions neuronales deviennent des schémas de pensées inconscients. Ces connexions ont beau se former, se transformer et se défaire avec une grande fluidité – ce que l’on appelle la plasticité neuronale – si on ne répète pas l’apprentissage des nouvelles compétences que l’on souhaite acquérir, ce sont les connexions neuronales anciennes, et donc les anciens apprentissages, qui prédomineront encore.
En ne regardant que la partie émergée de l’iceberg de l’apprentissage, on peut penser que le cerveau est constamment en train de percevoir et d’évaluer le monde d’une nouvelle façon. Mais cela ne doit pas nous faire oublier la partie immergée (inconsciente) qui est en fait celle réellement à l’œuvre.
Et cette partie immergée pourrait bien être… aussi grande que l’univers !
En rythme avec l’univers !
Adopter une vue encore plus large permet de mettre en perspective notre propre processus d’apprentissage avec celui de l’univers. La théorie du champ unifié nous enseigne que l’univers apprend grâce à une boucle de rétroaction entre la matière et le vide. C’est-à-dire : la matière apprend du vide, et le vide apprend de la matière, par un retour d’information immédiat et continu.
Cette dynamique a ainsi lieu à toutes les échelles, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, en passant par l’échelle humaine. On pourrait dire aussi que l’univers apprend à travers nous (voir l’article sur La conscience quantique).
Où placez-vous le curseur ?
J’espère avoir rendu les concepts présentés sur ce blog accessibles. S’il vous arrive néanmoins de vous sentir confus à la lecture de certains articles, si votre cognition est quelque peu perturbée, sachez que vous êtes simplement sur la (bonne) voie d’un processus d’apprentissage ! Ensuite, libre à vous de placer le curseur où vous le souhaitez.
Gardez cependant toujours à l’esprit que vous ne savez pas ce que vous ne savez pas. Et que le premier centre de traitement des informations est le cœur (voir à ce sujet l’article sur La biologie quantique).
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Notes et références
[1] J’emprunte cette formule entendue ici et là, dont je ne suis pas l’auteure.
[2] Jason M. Lodge est Maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Melbourne (Australie) et Gregor Kennedy est Vice-président de ladite université et professeur au centre de recherches sur l’enseignement supérieur.
[3] LODGE Jason & KENNEDY Gregor. (2016, 21 septembre). Embrouillé ? Ne vous en faites pas, cela peut vous servir à mieux apprendre. In : Slate.
[4] LODGE Jason & KENNEDY Gregor. (2015). Prior knowledge, confidence and understanding in interactive tutorials and simulations.
[5] LODGE Jason & KENNEDY Gregor. Embrouillé ? Ne vous en faites pas, cela peut vous servir à mieux apprendre, op.cit.
[6] Ibid.