Mise à jour : 5 février 2020

Comment apprend-on ?

apprentissage-conscient-inconscient

Je ne sais pas ce que je ne sais pas. [1]

Tel est l’état d’esprit dans lequel j’effectue toutes les recherches qui contri­buent à l’écriture de ce blog. Il s’agit plus lar­ge­ment d’une dis­po­si­tion d’être qui, selon moi, ne peut que nous aider à progresser dans la vie.

Apprendre est le pro­ces­sus par lequel la com­plexi­té et la conscience gran­dissent dans l’univers. Et nous sommes par­tie pre­nante de ce pro­ces­sus ! De la cog­ni­tion humaine à l’univers en pas­sant par le rôle de l’inconscient, j’explore dans cet article dif­fé­rentes facettes de l’apprentissage. Alors si vous vou­lez apprendre à apprendre, suivez-moi !

                  

De l’intérêt d’une cognition perturbée

 

cognition-perturbee

En 2016, Jason M. Lodge et Gregor Kennedy [2] ont écrit un article [3] rela­tant l’étude [4] qu’ils ont menée à pro­pos de cer­tains méca­nismes de l’apprentissage. Selon eux, l’é­tat de confu­sion men­tale qui peut accom­pa­gner un nou­vel appren­tis­sage, et plus géné­ra­le­ment une confron­ta­tion avec des infor­ma­tions inédites, com­plexes, contre-intuitives ou sim­ple­ment contraires à nos savoirs anté­rieurs, est légi­time. Il est même pré­fé­rable à un manque de per­tur­ba­tion cog­ni­tive, qui, par un excès de confiance de l’apprenant, pour­rait au contraire s’a­vé­rer pré­ju­di­ciable à l’acquisition de nou­velles connaissances.

Lodge et Kennedy sou­lignent que lorsqu’elle se mani­feste, cette impasse de la cog­ni­tion est sou­vent per­çue comme un manque d’in­tel­li­gence, et peut alors être vécue comme néga­tive. A tel point que nous pou­vons cher­cher à l’éviter. Et ain­si être ten­tés de nous satis­faire d’une expli­ca­tion simple pour des idées com­plexes, voire d’éliminer déli­bé­ré­ment la com­plexi­té. Ce qui peut alors nous conduire à appré­cier des pré­sen­ta­tions lisses, fluides, attrayantes et diver­tis­santes, dans les­quelles les infor­ma­tions paraissent faciles à com­prendre parce qu’elles semblent cohé­rentes avec nos concep­tions intui­tives… ou nos idées fausses. L’ennui est que ce genre de pré­sen­ta­tions s’accompagne sou­vent d’un « sens gon­flé de ce qui est réel­le­ment appris. » [5]. Ainsi, d’après eux :

 

« Si nous ne nous confron­tons pas réel­le­ment aux concepts, ils ne pour­ront pas être trai­tés assez pro­fon­dé­ment pour conduire à un appren­tis­sage durable. » [6]


Refuser de plon­ger dans la com­plexi­té peut nous ame­ner à croire que nous com­pre­nons des concepts, alors qu’il n’en est rien. Mieux vaut concrè­te­ment, à un moment ou à un autre, nous mesu­rer à eux. Ainsi nous pour­rons construire notre propre opi­nion par rap­port aux infor­ma­tions avec les­quelles nous entrons en contact.

                 

Vers un apprentissage durable

L’étude montre fina­le­ment que nous pou­vons reti­rer un béné­fice de notre état de confu­sion. La clé étant de se sen­tir à l’aise avec ce-dernier, en com­pre­nant qu’il fait sim­ple­ment par­tie du pro­ces­sus d’apprentissage. Etre capable de l’accepter per­met de ne pas le lais­ser s’installer. Pas plus que ses deux cor­ré­lats : la frus­tra­tion et l’ennui. C’est seule­ment à cette condi­tion que nous ne renon­ce­rons pas à l’ap­pren­tis­sage. Et que nous pour­rons, de sur­croît, amé­lio­rer nos stra­té­gies de com­pré­hen­sion du monde.

Ma cog­ni­tion a été per­tur­bée plus d’une fois au cours de mes recherches. J’ai éga­le­ment modi­fié, réécrit voire sup­pri­mé de nom­breux articles. J’ai plon­gé dans les concepts pour faire le tri entre des infor­ma­tions simples, sim­plistes, rac­cour­cies, incor­rectes, com­pli­quées, com­plexes… En somme, j’ai décons­truit des concepts, par­fois dif­fi­ci­le­ment, par­fois avec une cer­taine joie.

concepts-complexesLa com­plexi­té ne réside pas for­cé­ment dans le concept lui-même, bien que nous puis­sions la per­ce­voir ain­si. Souvent, elle tient plu­tôt à la décons­truc­tion du com­pli­qué, de la fausse sim­pli­ci­té. Ou encore de ce que nous connais­sons ouconcepts-simples croyons connaître et auquel, pour diverses rai­sons, nous nous accro­chons. Et par­fois, accep­ter cette décons­truc­tion – pas­ser ce cap – laisse appa­raître un nou­veau concept, fina­le­ment beau­coup plus simple que l’ancien…

Voilà ce qui se joue au niveau de la par­tie émer­gée de l’iceberg, c’est-à-dire au niveau conscient de l’apprentissage. Mais vous vou­lez peut-être com­prendre com­ment se met concrè­te­ment en place un appren­tis­sage durable ? Alors il est néces­saire de s’intéresser au pro­ces­sus qui lie le conscient à l’inconscient. Allez, c’est par­ti ! Que la cog­ni­tion soit avec nous !

                     

Du bon usage de l’inconscient

Adopter une vue un peu plus large peut nous faire réa­li­ser que l’espace conscient n’occupe fina­le­ment pas une si grande place dans le pro­ces­sus d’apprentissage. Mais, évi­dem­ment, il est une condi­tion sine qua non à tout apprentissage !

Le sché­ma ci-après montre que les infor­ma­tions émergent du champ de l’inconscient et y retournent, modi­fiées par leur pas­sage dans l’espace du conscient.  Ce pro­ces­sus par lequel nous pas­sons lorsque nous appre­nons de nou­velles infor­ma­tions se déroule en 4 étapes.

                     

Les 4 étapes de l’apprentissage

1. L’incompétence inconsciente

C’est lorsque « je ne sais pas que je ne sais pas ».

               

2. L’incompétence consciente

Arrive le moment où « je sais que je ne sais pas ». Je prends conscience de l’existence d’une com­pé­tence à acqué­rir. C’est donc éga­le­ment le moment où ma cog­ni­tion peut poten­tiel­le­ment être per­tur­bée ! Pour pas­ser ce cap, je dois sim­ple­ment recon­naître que « je ne sais pas », et accep­ter de chan­ger l’état de mes connais­sances actuelles. Encore faut-il cepen­dant que j’estime que ces infor­ma­tions pro­viennent d’une source fiable et qu’elles me seront profitables.

                 

3. La compétence consciente

C’est ici que la confron­ta­tion réelle avec les concepts a lieu ! J’entre dans l’espace de l’effort conscient. Idéalement, je dois obser­ver une per­sonne en train d’utiliser de manière appro­priée la com­pé­tence que je cherche à acqué­rir. Mais, que l’observation ait lieu ou pas, je dois répé­ter l’apprentissage jusqu’à ce que ma manière d’utiliser la com­pé­tence devienne fluide et rapide. Autrement dit, jusqu’à ce que je sois à l’aise avec cette nou­velle compétence.

C’est ce qui va condi­tion­ner un appren­tis­sage durable, c’est-à-dire un appren­tis­sage qui vient rem­pla­cer les anciens concepts. Ces-derniers ont for­gé incons­ciem­ment ma manière de pen­ser pen­dant un temps plus ou moins long. C’est ce qui expli­que­ra mon éven­tuelle dif­fi­cul­té à accep­ter le chan­ge­ment (et, en fait, plus l’habitude de pen­sée aura été longue, plus le chan­ge­ment deman­de­ra d’efforts).

                      

4. La compétence inconsciente

A un cer­tain point du pro­ces­sus conscient de l’apprentissage durable, l’exécution de la nou­velle com­pé­tence devient auto­ma­tique. Alors, elle passe dans le champ de l’inconscient car je n’ai plus à y pen­ser consciemment.

Ce pro­ces­sus doit nous faire réa­li­ser que nous avons des sché­mas de pen­sées incons­cients, basés sur les com­pé­tences acquises jusqu’à main­te­nant. Que nous exé­cu­tions ces com­pé­tences de la bonne manière… ou pas.

Et ce pro­ces­sus doit éga­le­ment nous faire réa­li­ser que nous pou­vons modi­fier nos sché­mas de pen­sées.

4-etapes-apprentissage

                               

La plasticité neuronale ne fait pas tout 

L’apprentissage résulte de la for­ma­tion de connexions synap­tiques, qui une fois qu’elles sont câblées comme un pat­tern stable de connexions neu­ro­nales deviennent des sché­mas de pen­sées incons­cients. Ces connexions ont beau se for­mer, se trans­for­mer et se défaire avec une grande flui­di­té – ce que l’on appelle la plas­ti­ci­té neu­ro­nale – si on ne répète pas l’apprentissage des nou­velles com­pé­tences que l’on sou­haite acqué­rir, ce sont les connexions neu­ro­nales anciennes, et donc les anciens appren­tis­sages, qui pré­do­mi­ne­ront encore.

En ne regar­dant que la par­tie émer­gée de l’iceberg de l’apprentissage, on peut pen­ser que le cer­veau est constam­ment en train de per­ce­voir et d’évaluer le monde d’une nou­velle façon. Mais cela ne doit pas nous faire oublier la par­tie immer­gée (incons­ciente) qui est en fait celle  réel­le­ment à l’œuvre.

Et cette par­tie immer­gée pour­rait bien être… aus­si grande que l’univers !

                        

En rythme avec l’univers !

Adopter une vue encore plus large per­met de mettre en pers­pec­tive notre propre pro­ces­sus d’apprentissage avec celui de l’univers. La théo­rie du champ uni­fié nous enseigne que l’univers apprend grâce à une boucle de rétro­ac­tion entre la matière et le vide. C’est-à-dire : la matière apprend du vide, et le vide apprend de la matière, par un retour d’information immé­diat et continu.

Cette dyna­mique a ain­si lieu à toutes les échelles, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, en pas­sant par l’échelle humaine. On pour­rait dire aus­si que l’univers apprend à tra­vers nous (voir l’article sur La conscience quan­tique).

                        

Où placez-vous le curseur ?

J’espère avoir ren­du les concepts pré­sen­tés sur ce blog acces­sibles. S’il vous arrive néan­moins de vous sen­tir confus à la lec­ture de cer­tains articles, si votre cog­ni­tion est quelque peu per­tur­bée, sachez que vous êtes sim­ple­ment sur la (bonne) voie d’un pro­ces­sus d’apprentissage ! Ensuite, libre à vous de pla­cer le cur­seur où vous le souhaitez.

Gardez cepen­dant tou­jours à l’esprit que vous ne savez pas ce que vous ne savez pas. Et que le pre­mier centre de trai­te­ment des infor­ma­tions est le cœur (voir à ce sujet l’article sur La bio­lo­gie quan­tique).

         


Points clés

  • Il est nor­mal et même sou­hai­table que l’ap­pren­tis­sage per­turbe notre cognition.

  • Un appren­tis­sage durable passe par un trai­te­ment en pro­fon­deur de l’information.

  • Tout appren­tis­sage se fait en 4 étapes, allant de l’in­com­pé­tence incons­ciente à la com­pé­tence inconsciente.

  • L’univers apprend à tra­vers nous, et de la même manière que nous, par boucles de rétroaction.

                  

                  

                   


Notes et références
    

[1] J’emprunte cette for­mule enten­due ici et là, dont je ne suis pas l’auteure.
[2] Jason M. Lodge est Maître de confé­rences en sciences de l’é­du­ca­tion à l’u­ni­ver­si­té de Melbourne (Australie) et Gregor Kennedy est Vice-président de ladite uni­ver­si­té et pro­fes­seur au centre de recherches sur l’en­sei­gne­ment supé­rieur.
[3] LODGE Jason & KENNEDY Gregor. (2016, 21 sep­tembre). Embrouillé ? Ne vous en faites pas, cela peut vous ser­vir à mieux apprendre. In : Slate.
[4] LODGE Jason & KENNEDY Gregor. (2015). Prior know­ledge, confi­dence and unders­tan­ding in inter­ac­tive tuto­rials and simu­la­tions.
[5] LODGE Jason & KENNEDY Gregor. Embrouillé ? Ne vous en faites pas, cela peut vous ser­vir à mieux apprendre, op.cit.
[6] Ibid.

                  




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