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Mise à jour : 16 février 2020

Cerveau, science et conscience

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Quels sont les liens entre le cer­veau et la conscience ? Le cer­veau produit-il la conscience ? Un ques­tion­ne­ment qui fait suite à l’article Pensées + émo­tions = men­tal. J’aborde dans cet article les rela­tions cer­veau / conscience sous l’angle de la méde­cine, des neu­ros­ciences et de la méditation.

            

Un état de conscience inattendu

Il est pos­sible de connaître une perte de conscience plus ou moins brève quelques minutes après la rup­ture d’un ané­vrisme. Succinctement, le pro­ces­sus à l’œuvre est le sui­vant : lorsqu’une hémor­ra­gie débute, le corps met immé­dia­te­ment en place un mécanisme de défense appe­lé hémo­stase, dont l’objectif est de stop­per le saignement.

L’hémostase – cor­ré­lée à une dimi­nu­tion de la pres­sion de per­fu­sion céré­brale [1] – induit notam­ment une baisse du débit san­guin à l’intérieur du cer­veau, et par consé­quent une dimi­nu­tion de l’apport en oxy­gène. Cela peut, chez cer­taines per­sonnes, entraî­ner une perte de conscience, et contri­buer ain­si à confir­mer le diag­nos­tic de l’hémorragie ménin­gée.

                 

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Cette perte de conscience ne s’est pas pro­duite dans mon cas. En fait, non seule­ment elle ne s’est pas pro­duite mais il est plu­tôt trou­blant de remar­quer que c’est pré­ci­sé­ment au moment où elle aurait pu avoir lieu – soit dans les cinq pre­mières minutes qui ont sui­vi le début de l’hémorragie – que j’ai fait l’expérience d’une conscience élar­gie (voir les articles qui relatent Mon Histoire). Ainsi, en lieu et place d’avoir per­du conscience, au sens médi­cal du terme, j’ai pour ain­si dire plus que jamais per­çu ma conscience.

Notons que notre voca­bu­laire est très révé­la­teur : on parle de perte de conscience, comme si on pré­sup­po­sait qu’un état d’inconscience nous coupe tota­le­ment de la conscience. Mais est-ce vrai­ment le cas ? Poursuivons notre exploration.

                   

Un score pour la conscience

Comment ça marche ?

Il existe deux scores pro­nos­tiques, à par­tir des­quels peut être éva­luée, au moyen d’une échelle cli­nique, la gra­vi­té d’une hémor­ra­gie ménin­gée. Ces scores per­mettent éga­le­ment d’estimer les chances de récu­pé­ra­tion de la per­sonne atteinte. Ces-dernières dépen­dant en effet direc­te­ment de son bilan cli­nique ini­tial. Le pre­mier score, celui de Hunt et Hess, a été mis au point en 1968. Il est spé­ci­fique aux hémor­ra­gies ménin­gées, et se décline en une gra­dua­tion qui va de 0 (ané­vrisme non rom­pu) à 5 (coma profond).

Le deuxième score, celui de la Fédération Mondiale de Neurochirurgie (WFNS), per­met d’évaluer le pro­nos­tic fonc­tion­nel à six mois. Il est déri­vé du score de Glasgow, qui repose quant à lui uni­que­ment sur l’état de conscience. Outre le fait que le score de Glasgow consti­tue en soi un indi­ca­teur per­ti­nent par rap­port à mes recherches, il se trouve que c’est éga­le­ment le seul à avoir été indi­qué dans mon dos­sier médi­cal. C’est donc à double titre que je m’y intéresse.

 

L’échelle de Glasgow

echelle-de-glasgowL’échelle de Glasgow, ou score de Glasgow, tire son nom de la ville épo­nyme située en Ecosse. C’est là que se trouve l’ins­ti­tut de neu­ro­lo­gie où elle fut déve­lop­pée par Graham Teasdale et Bryan Jennet en 1974. Cette échelle a été mise au point, en tant qu’indicateur de l’é­tat de conscience, pour aider les méde­cins à éva­luer la gra­vi­té des trau­ma­tismes crâ­niens. Munis de ces infor­ma­tions, ils peuvent d’autant mieux adap­ter leurs actions afin de main­te­nir les fonc­tions vitales d’une per­sonne en état d’urgence. L’échelle va de 3, pour une per­sonne dans un coma pro­fond, à 15, pour une per­sonne par­fai­te­ment consciente et orien­tée, c’est-à-dire sachant qui elle est, ce qui lui est arri­vé, et étant capable de se situer dans le temps et dans l’es­pace. L’évaluation du score se fait selon trois cri­tères : la réponse ver­bale, l’ouverture des yeux et la réponse motrice.

                    

Une trop courte échelle pour la conscience

D’après mon dos­sier médi­cal, à mon arri­vée aux urgences, j’étais une « patiente Glasgow 15 », autre­ment dit on ne peut plus consciente d’elle-même… Même si je mesure toute l’importance qu’a eu l’évaluation de « mon score » pour l’équipe médi­cale au moment des faits, lorsque j’ai pris connais­sance de cette infor­ma­tion par la suite, je n’ai pas pu m’empêcher de sou­rire en pen­sant que le cas « conscience élar­gie » n’avait de toute évi­dence pas été pré­vu sur cette échelle… !

Car com­ment pourrait-on, de l’extérieur, éva­luer une expé­rience inté­rieure ? Quand bien même on aurait mesu­ré ce score quelques minutes après le début de l’hémorragie, on aurait trou­vé 15. En effet, exté­rieu­re­ment je devais être à peu près dans le même état, et qu’intérieurement, j’étais la seule à pou­voir appré­cier – c’est le cas de le dire – mon expérience.

Le fait que cette-dernière dépasse lar­ge­ment le cadre de la perte de conscience et les limites de l’échelle de Glasgow m’a conduit à regar­der de plus près com­ment la méde­cine envi­sage la rela­tion entre la conscience et le cer­veau. Pour m’apercevoir que d’une cer­taine manière, elle tente tout de même d’évaluer les expé­riences intérieures.

Ainsi, elle met en cor­res­pon­dance les dif­fé­rents états de conscience avec les rythmes céré­braux. Mais si cette cor­res­pon­dance a le mérite de cla­ri­fier la rela­tion conscience/cerveau, elle n’en ins­talle pas moins un ques­tion­ne­ment fon­da­men­tal : la conscience est-elle pro­duite par le cer­veau ? Autrement dit, la conscience peut-elle se résu­mer à des acti­vi­tés chi­miques, phy­siques et élec­tro­ma­gné­tiques dans le cerveau ?

                      

Cerveau et neurosciences

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Pour le neu­ros­cien­ti­fique et phy­si­cien Denis Bédat, spé­cia­liste des états céré­braux, l’intensité de l’énergie élec­tro­ma­gné­tique géné­rée en per­ma­nence par le cer­veau varie en fonc­tion de notre per­méa­bi­li­té aux sol­li­ci­ta­tions exté­rieures. Ainsi, « plus les sol­li­ci­ta­tions exté­rieures sont fortes, plus les neu­rones absorbent et traitent d’informations » [2]. Cela a pour consé­quence d’aug­men­ter l’intensité de l’énergie élec­tro­ma­gné­tique dans le cer­veau. Si, au contraire, nous sommes en mesure de res­ter imper­méables à ces sol­li­ci­ta­tions, l’énergie élec­tro­ma­gné­tique géné­rée sera alors beau­coup moins intense. Il explique ain­si que « les grands yogis atteignent rapi­de­ment l’état de conscience de leur choix et s’y main­tiennent, même au milieu d’une dis­co­thèque ! Leurs ondes céré­brales sont struc­tu­rées, par­fois même har­mo­niques. » [3]

Cela laisse donc entendre que l’on peut avoir une réponse dif­fé­rente, en termes d’état de conscience, au même environnement.

                  

Les champs de la conscience

Il existe quatre grandes caté­go­ries de fré­quences. Elles cor­res­pondent à des acti­vi­tés céré­brales dif­fé­rentes, cha­cune étant asso­ciée à un champ de conscience spé­ci­fique. Ces fré­quences oscil­lent entre 0,5 et 40 Hz par seconde, et vont du som­meil pro­fond à l’activité intense. La fré­quence proche du zéro abso­lu cor­res­pond à une acti­vi­té céré­brale très réduite (coma). En revanche, la sixième plage de fré­quences, celle des ondes gam­ma, autour de 40 Hz, ne semble pas cor­res­pondre à un état de conscience ordi­naire.

En effet, les fré­quences alors émises sont celles consta­tées chez les yogis par exemple. Chaque champ de conscience reflète un état men­tal par­ti­cu­lier, ayant un impact sur nos pro­ces­sus bio­lo­giques. « La libé­ra­tion de tel ou tel neu­ro­trans­met­teur dans le cer­veau est condi­tion­née par l’intensité des com­mu­ni­ca­tions entre les neu­rones » [4] explique ain­si Denis Bédat.

Le cher­cheur indique éga­le­ment que « grâce à des sys­tèmes d’électroencéphalogramme et de neu­ro­feed­back, dis­po­nibles pour l’instant dans cer­tains centres de recherche neuro-hospitaliers, il est désor­mais pos­sible d’iden­ti­fier en temps réel la fré­quence céré­brale dans laquelle on se trouve et d’agir sur elle » [5]. Ainsi, grâce à des sti­mu­la­tions sous forme de lumière, de sons ou autres vibra­tions, on peut pas­ser d’une fré­quence à une autre très faci­le­ment.

Le tableau sui­vant est ins­pi­ré des tra­vaux du cher­cheur. Il réper­to­rie ces dif­fé­rents champs de conscience en y asso­ciant les fré­quences vibrées ain­si que l’activité du corps et du cer­veau cor­res­pon­dantes.

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Méditation et neurosciences

En 2002, les ondes gam­ma ont fait l’ob­jet d’é­tudes scien­ti­fiques [6] grâce à Richard Davidson. Professeur de psy­chia­trie à l’Université du Wisconsin, il pos­sède un labo­ra­toire de recherche en neu­ros­cience. Il inter­vient éga­le­ment à l’institut amé­ri­cain Mind and Life, dont le but est de favo­ri­ser un apport réci­proque entre le boud­dhisme et la science, et notam­ment de mon­trer les effets neu­ro­lo­giques de la méditation.

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Avec le sou­tien du Dalaï-lama, Richard Davidson a réus­si à convaincre des moines boud­dhistes ayant à leur actif entre 10 000 et 50 000 heures de médi­ta­tion, de prê­ter leur cer­veau aux neu­ros­ciences. Il a ain­si pu mettre en évi­dence une pro­duc­tion impor­tante d’ondes gam­ma dans le cer­veau des moines tan­dis qu’ils médi­taient sur la com­pas­sion incon­di­tion­nelle. On peut défi­nir cette-dernière comme une volon­té et une dis­po­ni­bi­li­té à aider tous les êtres vivants, ce qui n’est pos­sible qu’à par­tir de l’espace du cœur.

 

Pour un cerveau synchronisé !

Les ondes gam­ma siègent dans le cer­veau de chaque per­sonne, et sont les seules ondes à être pré­sentes dans toutes les aires céré­brales. Cependant, elles ne s’activent que lorsque le cer­veau entre­prend une action durable et sou­te­nue, comme lors d’un effort d’at­ten­tion ou de mémo­ri­sa­tion. Plus elles sont acti­vées, plus elles font inter­agir les popu­la­tions de neu­rones pré­sentes dans les dif­fé­rentes aires céré­brales, pour fina­le­ment les conduire à avoir une acti­vi­té syn­chrone.

La médi­ta­tion per­met d’aug­men­ter de façon signi­fi­ca­tive la pro­duc­tion d’ondes gam­ma, pro­por­tion­nel­le­ment au nombre d’heures effec­tuées. Par là-même, elle pro­duit une plus grande syn­chro­ni­sa­tion des aires céré­brales. Ainsi, le prin­ci­pal béné­fice de cette pra­tique réside dans l’aug­men­ta­tion de la cohé­rence de l’ac­ti­vi­té céré­brale. Mieux, c’est une restruc­tu­ra­tion du cer­veau qui se joue, du fait que cette cohé­rence per­dure après chaque séance. Bien sûr, la péren­ni­té de la restruc­tu­ra­tion céré­brale va de pair avec la régu­la­ri­té de la pra­tique.

                      

Le cerveau, ce système dynamique

De la plasticité neuronale…

plasticite-neuronale

Ces résul­tats ont été confir­més en 2004 lors d’une autre série d’ex­pé­riences, effec­tuées avec le moine boud­dhiste Matthieu Ricard. Celui-ci, éga­le­ment membre de l’institut Mind and Life, par­ti­cipe acti­ve­ment aux recherches sur la plas­ti­ci­té neu­ro­nale. Celle-ci peut se défi­nir comme la capa­ci­té du cer­veau de créer, défaire ou réor­ga­ni­ser les réseaux de neu­rones et les connexions de ces neu­rones. En fait, c’est la plas­ti­ci­té neu­ro­nale qui explique la restruc­tu­ra­tion cérébrale.

D’ailleurs, les recherches sur le sujet montrent que tout au long de la vie – et pas sim­ple­ment durant la petite enfance comme on l’a long­temps cru – le cer­veau agit comme « un sys­tème dyna­mique, en per­pé­tuelle recon­fi­gu­ra­tion » [7]. Les chan­ge­ments qui s’y pro­duisent consti­tuent non pas l’exception mais la règle, tant au niveau cel­lu­laire qu’au niveau des struc­tures et des fonc­tions du cerveau.

Corroborant les expé­riences pré­cé­dentes, le cer­veau de Matthieu Ricard a lais­sé appa­raître une aug­men­ta­tion de l’ac­ti­vi­té gam­ma en état médi­ta­tif, acti­vi­té qui per­du­rait lorsque le moine sor­tait de cet état. L’imagerie céré­brale (IRM) uti­li­sée pour l’occasion a quant à elle mit en évi­dence, notam­ment, une acti­vi­té dans la région res­pon­sable de la ges­tion des émo­tions. Cette acti­vi­té conco­mi­tante à un apai­se­ment des régions qui main­tiennent la conscience du « moi » et de « l’autre ».

                   

… à l’entrainement cérébral

Ces élé­ments ont per­mis d’établir le fait qu’un entrai­ne­ment céré­bral occa­sionne une per­cep­tion accrue, une capa­ci­té plus impor­tante à résoudre des pro­blèmes, et sur­tout une conscience élar­gie. Notons que l’on trouve par­fois dans la lit­té­ra­ture le concept d’en­trai­ne­ment men­tal. D’une part le men­tal a pour moi une signi­fi­ca­tion bien par­ti­cu­lière. D’autre part, il peut faci­le­ment nous induire en erreur en matière de conscience. C’est pour­quoi, il me semble plus juste de par­ler d’en­trai­ne­ment cérébral.

Si la méde­cine per­met de consta­ter des cor­ré­la­tions entre des états de conscience et des rythmes céré­braux, elle ne per­met tou­te­fois pas d’expli­ci­ter ce qu’est la conscience, ni quels sont ses liens avec l’expérience vécue. Et pour ma part, plus j’avançais dans mon enquête sur la conscience, plus j’avais le sen­ti­ment qu’il serait peut-être plus juste de par­ler d’expérience consciente plu­tôt que de conscience.

              

meditation-univers

Je vous pro­pose de pour­suivre votre explo­ra­tion de la conscience, en lisant l’ar­ticle sur l’ex­pé­rience consciente, ou celui pré­sen­tant le point de vue du phy­si­cien Nassim Haramein (voir l’article La conscience quan­tique).

 


Points clés

  • On peut avoir une réponse dif­fé­rente, en termes d’état de conscience, au même environnement.

  • La médi­ta­tion pro­duit une plus grande syn­chro­ni­sa­tion des aires céré­brales, aug­men­tant ain­si la cohé­rence de l’ac­ti­vi­té cérébrale.

  • Le cer­veau est un sys­tème dyna­mique, en per­pé­tuelle reconfiguration.

  • Si la méde­cine per­met de consta­ter des cor­ré­la­tions entre des états de conscience et des rythmes céré­braux, elle ne per­met tou­te­fois pas d’expliciter ce qu’est la conscience, ni quels sont ses liens avec l’expérience vécue.

                    

              

                   


Notes et références
    

[1] La per­fu­sion céré­brale s’ef­fec­tue dans le sys­tème cir­cu­la­toire où ont lieu les échanges gazeux et liqui­diens extracel­lu­laires. A l’in­té­rieur de ce réseau, les élé­ments ont des dimen­sions et dia­mètres extrê­me­ment petits, de l’ordre du micro ou nano­mètre (on parle de micro­cir­cu­la­tion). La per­fu­sion céré­brale apporte des sub­strats éner­gé­tiques (oxy­gène et glu­cose) aux neu­rones en fonc­tion du méta­bo­lisme local.
[2] BEDAT Denis. (2013, 20 décembre), cité par Réjane Ereau, Les champs de la conscience. In : INREES – Inexploré.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] RICARD Matthieu, LUTZ Antoine et DAVIDSON Richard. (2015, Février). Méditation, com­ment elle modi­fie le cer­veau, In : Pour la Science, n°448
[7] LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE. Entretien avec Jean-Pierre Changeux : La plas­ti­ci­té céré­brale forge notre indi­vi­dua­li­té, n°40, Août 2010, p.6

                 




2 thoughts on “Cerveau, science et conscience

  1. Article très inté­res­sant. C’est étrange car cela me fait pen­ser aux tra­vaux d’Alex Michel qui explique cela depuis une dixaine d’années… je connais­sais donc déjà les grands principes

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